L’auteur et metteur en scène Philippe Ducros nous raconte un autre de ses voyages troublants avec La cartomancie du territoire qui évoque de multiples facettes du drame autochtone. Après s’être rendu jusqu’en Palestine pour écrire L’Affiche, une pièce sur l’occupation de ce territoire, cette fois-ci l’artiste nous entraîne vers des destinations qui ont pour nom: Maliotenam, Lac-Simon, Wemotaci, etc.
Dès le début du spectacle, on est happé par des images de ces lieux peu fréquentés, projetées sur un immense écran, c’est-à-dire un mur entier du théâtre Espace libre. Des routes enneigées, des forêts décimées, une banquise sous un ciel rosé. Beauté et immensité parfois vues des airs. Disons que c’est déjà une forme de visite de réserves autochtones.
Sur scène, Ducros lui-même, ainsi que Marco Collin et Kathia Rock, tous deux d’origine innue, racontent des témoignages d’autochtones; des scènes de vie empreintes d’humiliation et de colère. Les interprètes y vont essentiellement de monologues gravitant autour de statistiques sur l’alcoolisme, le suicide et la spirale vicieuse de la criminalité qui paralyse souvent ces communautés coincées dans des réserves. Bien sûr, pareils drames doivent être dénoncés, mais y aller ainsi d’un énième plaidoyer sur le sujet sert-il la cause? Plus encore, on peut se demander si le théâtre est l’endroit qui convient à l’exercice. Outre les propos déchirants de Marco Collin qui revêtent l’allure d’un témoignage d’une victime d’abus sexuel, ce spectacle s’apparente souvent à un reportage où on n’aurait qu’un côté de la médaille.
L’échec du matériel
On suit encore moins Ducros quand il tente un parallèle entre le désarroi autochtone et ses propres tourments d’homme noyé dans le travail. Dans les deux cas, tout s’expliquerait par les ravages du capitalisme… On s’attendrait à plus de nuances de la part d’un auteur qui se targue d’être allé dans des pays comme la Bosnie et la République démocratique du Congo, marqués par de profonds conflits.
Enfin, quelques images d’autochtones, dont un homme qui lance un clin d’oeil à la caméra, permettent d’entrevoir ces gens dont on nous parle depuis plus d’une heure. Il est brièvement question d’espoir, mais on n’arrive pas à y croire avec tout le noir broyé précédemment. Encore là, pendant qu’on parle de résilience, ce qui retient surtout notre attention, c’est cette gigantesque projection d’une route au bout de laquelle se pointe un magnifique soleil.
Ces grandioses paysages filmés par Éli Laliberté sont portés par une belle trame sonore de Florent Volant.
N.B.: La cartomancie est un art divinatoire utilisant le tirage des cartes : divination par les cartes ou carto-mancie. Les cartomanciens sont parfois appelés « diseurs de bonne aventure». Wikipédia
La cartomancie du territoire, texte et mise en scène de Philippe Ducros, au théâtre Espace libre, jusqu’au 7 avril. http://espacelibre.qc.ca/