Grande première pour le spectacle musical Albertine en cinq temps, signé par la compositrice Catherine Major. Des extraits de cette adaptation de l’oeuvre de Michel Tremblay ont été présentés au public réuni au Théâtre du Rideau Vert, ce jeudi soir (19 août 2021). Compte rendu de cette première offerte en webdiffusion jusqu’au 23 août.
Créée en 1984, la pièce de théâtre Albertine en cinq temps met en scène une femme de 70 ans qui, dans sa chambre d’un CHSLD, ressasse ses souvenirs à différentes étapes de sa vie. Chantal Lambert incarne Albertine à 70 ans. Elle dialogue avec les fantômes de son passé : Monique Pagé (Albertine à 60 ans), Chantal Dionne (Albertine à 50 ans), ainsi que Michèle Losier (Albertine à 40 ans) et Catherine St-Arnaud (Albertine à 30 ans). Pour sa part, Véronique Gauthier joue le rôle de Madeleine, soeur d’Albertine. Elles sont accompagnées au piano par Marie-Claude Roy.
Les sopranos et le joual
Toutes ces chanteuses sont sopranos, à l’exception de Losier (mezzo-soprano). Plusieurs ont des voix puissantes et pourtant, on ne saisit qu’un mot ici et là lorsqu’elles chantent. Pour l’instant, les voix ne sont pas amplifiées. Peut-être devra-t-on en arriver là, car on compte ajouter un certain nombre de musiciennes pour la version finale du spectacle qui devrait être présentée l’an prochain. À tout le moins, il faudrait des surtitres.
Cette première vitrine d’Albertine en cinq temps compte 8 airs, alors qu’il devrait y en avoir 14 quand l’écriture sera terminée. Catherine Major a composé plusieurs mélodies complexes qui amènent certaines des interprètes vraisemblablement à la limite de leur étendue vocale. Ces envolées lyriques alternent avec des tempos martelés au piano, traduisant la rage d’Albertine. Plusieurs parties sont interprétées en choeur. Aucune mélodie ne s’impose jusqu’à maintenant.
Les airs sont tous entrecoupés de dialogues. S’agit-il de théâtre musical ou d’opéra ? « Je dirais qu’on a trouvé une formule hybride entre chansons et opéra », dit la compositrice. « D’une part, ces airs sont bel et bien écrits pour des chanteuses d’opéra, mais il n’y a pas de longs airs comme c’est souvent le cas à l’opéra. Des textes parlés nous amènent aux parties chantées, un peu comme dans le domaine de la chanson. »
C’est sans doute révélateur : le public n’aura fait entendre ses réactions que durant les séquences parlées où ces chanteuses s’avèrent aussi de bonnes comédiennes. Entre autres, on ricane lorsque Chantal Lambert (Albertine à 70 ans) lance : « Quand on est jeune, on est sûr d’avoir raison. Quand on est vieux, on sait qu’on a eu tort. »
L’auditoire largement féminin éclate de rires approbateurs quand Albertine en colère clame sa haine des hommes, laissant entendre qu’ils sont tous des abuseurs sexuels. « C’est ça, les hommes ! Y voyent un trou, pis y rentrent dedans! » C’est en ces termes que s’exprime Tremblay dans ce texte qualifié de «grand chef-d’oeuvre» par l’instigatrice du projet, Nathalie Deschamps. Cette dernière a écrit le livret de l’opéra avec Chantal Lambert, Monique Pagé, Catherine St-Arnaud et Chloé Ekker. Elles sont restées fidèles au joual d’origine qui semble parfois plutôt dépassé. Par exemple, au lieu de «pour quoi faire? », on entendra « pour quoissé faire? ». Fallait-il aller jusque là ?
Deschamps signe aussi la mise en scène qui pour l’instant est fort statique, Albertine et ses fantômes bougeant peu sur la petite scène du Rideau Vert, où le piano prend pas mal de place. Quant au décor, il se résume à une chaise berçante.
Enfin, ne portons pas de jugement définitif, puisque l’oeuvre complète, avec décors et costumes, ne sera présentée que l’an prochain. D’ici là, on peut se faire une idée en visionnant la webdiffusion d’Albertine en cinq temps, l’opéra. C’est disponible jusqu’au 23 août.
Albertine en cinq temps – L’opéra selon l’œuvre de Michel Tremblay
Musique: Catherine Major
Livret: Collectif de la Lune Rouge
Billets en vente: www.lepointdevente.com/billets/vitrinealbertine
Une idée originale des Productions du 10 avril.
Photo en page d’accueil : Esprit Nomade Photographie/Sonia Lalonde
Extrait : « Ouverture » interprété par Chantale Lambert (soprano) & Catherine Major (piano)