Dans le dernier spectacle de François Blouin et Marc Beaupré, la fable de la célèbre pièce d’Hamlet de William Shakespeare nous est racontée, selon le point de vue du personnage principal, Hamlet lui-même.
Mais qui parle ? Qui est devant nous ? Qui nous présente cette histoire ? Ce qui est fantastique avec ce spectacle, c’est que les réponses sont multiples et sont toutes bonnes. Hamlet_director’s cut est un spectacle à la croisée des chemins des pratiques scéniques traditionnelles et contemporaines où la technologie est savamment utilisée au service du thème au coeur de performance, soit la folie.
La façon dont la fable nous est présentée au début, je ne vous dis pas tout, car je veux que vous le découvriez par vous-même, nous donne l’impression que l’humain qui est sur scène est visité lui-même par le spectre de la fable qui s’incarne pour se raconter. Le corps de l’interprète devient ainsi marionnette et se transforme sous nos yeux, afin de représenter tous les personnages de l’histoire, selon une perspective qui justifie les actions d’Hamlet.
La mise en abîme dans cette production d’Hamlet dépasse, de loin, toutes celles que j’ai vues : un metteur en scène qui se met en scène, qui incarne le personnage d’Hamlet, qui met en scène des acteurs et qui incarne et créé aussi tous les autres personnages de la pièce. Le fait que l’artiste soit à la fois créateur et la création-même, ceci entraîne un effet de collision.
En même temps, cette superposition de mise en abîme, réussie, je dois le dire, crée un phénomène de distanciation qui permet au public de participer intellectuellement à l’action de la pièce, en la reconstruisant avec les éléments qui nous sont dévoilés peu à peu, tel un effeuillage (strip-tease), ce qui nous apporte une satisfaction réelle et un sentiment de complétion, lorsque nous arrivons enfin à rassembler tous les éléments, afin de reconstituer l’ensemble du tableau.
Le spectacle a su captiver l’attention d’une audience majoritairement étudiante et les intéresser à ce classique, ce qui n’est pas rien ! On sent une clarté de propos dans la présentation des idées et dans le déroulement du spectacle, ce qui le rend facile à suivre.
Personnellement, j’aurais aimé qu’on me trompe et qu’on m’égare un peu plus, afin de me faire sentir aussi comme le personnage d’Hamlet; confuse, doutant, remettant les événements en question, paniquant en sentant la perte de contrôle.
En ce qui me concerne, c’est la première fois qu’on arrive à me convaincre avec une réinterprétation de l’œuvre classique et à m’amener sincèrement à me poser les questions suivantes :
Et si Hamlet avait tort ? Et si Hamlet était simplement amoureux de sa mère ? Et si Hamlet était le meurtrier ?
Dans une société où le virtuel s’impose, il semble à propos et pertinent de questionner notre rapport à la réalité et aux technologies intégrées avec lesquelles nous développons des relations qui semblent plus importantes et réelles que celles que nous avons avec les autres humains qui eux, partagent pourtant notre environnement physique quotidien immédiat.
À voir.
LA CHAPELLE Scènes Contemporaines
3700 SAINT-DOMINIQUE
BILLETTERIE 514.843.7738
Une production de Terre des Hommes.
Une diffusion de La Chapelle.
D’après William Shakespeare dans une traduction de Jean Marc Dalpé.
Mise en scène et adaptation François Blouin et Marc Beaupré.
Interprétation Marc Beaupré.
Scénographie et conception visuelle François Blouin.
Programmation créative et régie Jonathan Jeanson et Hugo Laliberté.
Conception sonore Nicolas Letarte-Bersianik.
Conseil à la dramaturgie et à assistance la mise en scène Nicolas Guillemette.
Soutien à la production Xavier Inchauspé.
Horaire des représentations:
lundi 10 avril à 19h,
mardi 11 avril à 20h,
jeudi 13 avril à 20h,
vendredi 14 avril à 19h.