Si ce n’avait été de la taille de la salle Maisonneuve à la Place des Arts à Montréal, le concert jazz du célèbre John Pizzarelli aurait été quasi-intime. Le trio composé du guitariste-chanteur lui-même, son contrebassiste Mike Karn et son pianiste Isaiah J. Thompson, collés l’un à l’autre, ont servi, au dernier soir du Festival international de jazz de Montréal, une dizaine de grands classiques du Great American Songbook dans une atmosphère de complicité autant entre eux qu’avec le public.
De Sinatra aux grandes comédies musicales américaines
Pizzarelli a ouvert cette célébration tant attendue d’un soir avec Too Close for Comfort tirée de la comédie musicale Mr. Wonderful en 1956 et que Frank Sinatra avait popularisée. Il insérera également Baubles, Bangles and Beads aux rythmes de bossa nova que celui que l’on surnommait Ol’ Blue Eyes chantait : « Pour ceux qui ne connaissent pas Sinatra, il s’agit de l’autre chanteur italien connu du New Jersey», dira-t-il avec ce sens de l’humour dont il parsèmera l’atmosphère tout le long.
Le ton à la détente aura d’emblée été donné quand il livrera quelques phrases en français, outre les bonjours usuels, qu’il a retenues malgré une longue absence de Montréal : « Où est Sylvie? Sylvie est …. »
Stage and Screen
Le spectacle de ce fils du grand guitariste Bucky Pizzarelli repose en grande partie sur son album sorti en avril 2023, Stage and Screen, une invitation dans le monde du théâtre musical et du cinéma américain qui ont fait les choux gras des palmarès et des salles de danse au XXe siècle. Avec ses auteurs de prédilection, Richard Rodgers, Lorenz Hart, Oscar Hammerstein II et Leonard Bernstein entre autres, et des classiques comme Oklahoma Suite on ne s’y trompe pas, le public reconnaît les airs, il ne lui reste plus qu’à constater la perfection avec laquelle les notes et la voix surgissent.
La sympathique Tea for Two qu’il livre de sa voix veloutée et douce et l’époustouflante pièce instrumentale I want to be happy, toutes deux tirées de la comédie musicale No, No, Nanette (1925), nous convainc de son immense talent d’interprète, avec ses envolées vertigineuses de doigtés sur cordes. C’est fabuleux tout autant que son amusant I Love Betsy de la comédie musicale Honeymoon in Vegas cette fois en 1992!
Isaiah J. Thompson
Avec High Fly, c’est l’immense pianiste, lauréat du American Pianists Awards et de la bourse Cole Porter cette année, Isaiah J. Thompson, qui capture notre attention et nous jette parterre tant le génie et la maîtrise de son piano sont époustouflants. Du haut de ses 26 ans, le jeune homme qui a déjà accumulé de nombreux honneurs, avait rencontré un Pizzarelli impressionné une première fois à l’âge de 16 ans.
Pour la partie canadienne de son concert tel qu’il l’exprime avec un clin d’oeil, il s’attaquera avec brio à Swinging on a star du répertoire d’Oscar Peterson.
40 ans à faire rêver mieux
Il va sans dire qu’avec 40 ans d’une carrière bâtie sur l’excellence, un travail d’orfèvre aux cordes, une communion authentique et intimiste avec le public, une complicité évidente avec ses musiciens, une voix jazz envoûtante y compris les scats mélodiques, des chansons comme As time goes by du film Casablanca, They can’t take that away from me du film Shall We Dance, on est vite emportés dans un univers qui met un baume sur nos soucis. John Pizzarelli sait faire rêver mieux!
Photos: Victor Diaz Lamich