De Molière à Clémence Desrochers, en passant par Ionesco, Claude Meunier, les Cyniques, Sol et Gobelet et l’émission de variétés américaine Saturday Night Live, le spectacle Rires est une sorte de feu d’artifice humoristique! Ce collage de textes, mis en scène par Daniel Brière et Alexis Martin, est interprété par de tout jeunes comédiens qui n’étaient pas encore nés à l’époque de Ding et Dong. C’est d’ailleurs dans le but de voir si l’humour d’autrefois fait encore rire aujourd’hui que les codirecteurs artistiques du Nouveau Théâtre expérimental ont fait appel à sept nouveaux interprètes qui, pour la plupart, ont obtenu leur diplôme durant la pandémie. Chose certaine, des spectateurs de tous âges se sont esclaffés à maintes reprises, lors de la première de ce feu roulant de 90 minutes!
Ce voyage chez les vieux comiques est présenté à la manière d’Henri Bergeron aux Beaux Dimanches, célèbre émission culturelle, diffusée à la télévision de Radio-Canada, à partir des années 1960. On passe d’un numéro à l’autre sans chercher à créer des liens entre les sketchs. Rapidement, on réalise que Mehdi Agnaou, Zoé Boudou, Anne-Sarah Charbonneau, Simon Duchesne, Fabrice Girard, Laurence Laprise et Caroline Somers sont déjà très à l’aise dans de nombreux registres.
On nous sert, entre autres, un savoureux extrait de la Cantatrice chauve, pièce emblématique du théâtre de l’absurde d’Eugène Ionesco. On est immédiatement séduit par le ton, la diction et le rythme particulier des dialogues, entrecoupés de moments de silence, entre Mme Smith et son mari qui a, la plupart du temps, le visage caché par son journal.
L’habile distribution se montre tout aussi désopilante dans l’univers absurde des Voisins de Claude Meunier et Louis Saïa. Ici encore, nos jeunes comiques maîtrisent remarquablement leurs gestuelles embarrassées et le dosage des silences.
Puis, on a droit à Bonjour Huguette, chanson culte de Paul et Paul dont les paroles pourraient sans doute en dérouter certains, compte tenu des sensibilités d’aujourd’hui. Ce fut pourtant le délire sur scène et dans la salle au son de ce refrain grivois : «Oh chérie trempe ton ennui Dans l’eau de mon plaisir Tu seras humectée de joies et de désirs…»
Le hasard a voulu que j’entende cette même pièce interprétée par Claude Meunier lui-même, 24 heures plus tôt, à la Place des Arts, dans le cadre de «La Famille Denuy – La tournée Western progressé en rodage». Si la moyenne d’âge des spectateurs de Meunier était sans doute beaucoup plus élevée que celle du public de Rires à l’Espace Libre, ce fut, dans les deux cas, un triomphe!
Quelques solos se démarquent durant cette soirée joyeusement juvénile où l’on ne s’ennuie pas un seul instant! Entre autres, Laurence Laprise est tordante dans le rôle de la Française omniprésente et condescendante dans le sketch Tantine Normande de notre chère Clémence, nonagénaire et toujours adulée. De son côté, Mehdi Agnaou offre une interprétation pétillante du monologue subtil et intemporel, Sans dessus dessous, du regretté humoriste français Raymond Devos.
En résumé, sans se lancer dans de grandes analyses, Brière et Martin ont conçu un spectacle qui démontre que l’humour n’est pas nécessairement une affaire de générations et qu’il peut réunir des spectateurs de tous âges. Bien sûr, le public n’est pas fait de groupes monolithiques et, que l’on soit jeune ou non, il n’y a sans doute pas de blagues qui feraient rire tout le monde. Quoi qu’il en soit, en ces temps marqués par l’individualisme et le repli sur soi, il y a quelque chose de réconfortant à voir ces jeunes comédiens se frotter avec un plaisir évident à des monuments de l’humour qui faisaient tant rire leurs parents!
Cela dit, les sept interprètes seront de retour à Espace Libre en 2025 avec une suite au spectacle Rires qui sera entièrement écrite par de jeunes artistes. On a hâte de découvrir l’univers comique de cette nouvelle génération!
Rires
Collage de textes et mise en scène : Daniel Brière et Alexis Martin
Avec Mehdi Agnaou, Zoé Boudou, Anne-Sarah Charbonneau, Simon Duchesne, Fabrice Girard, Laurence Laprise et Caroline Somers
À l’Espace Libre jusqu’au 4 mai prochain. Pour vous procurer des billets, c’est ici.
*Photos fournies par le Nouveau Théâtre expérimental (NTE)