Un véritable événement au théâtre ! Le tout premier solo en carrière de Guylaine Tremblay prend son envol à La Licorne. Amusante en vacancière heureuse qui danse la salsa puis, bouleversante en femme diminuée par une maladie dégénérative, la comédienne montre l’étendue de son savoir faire sur un texte de Steve Gagnon qui touche à l’essentiel. J’ai assisté à la première de Les étés souterrains.
Ce qui frappe, dès les premiers instants de cette pièce, c’est qu’on croirait qu’elle a été écrite durant la pandémie, alors que le texte a vu le jour avant l’arrivée de la COVID-19 et devait être joué à pareille date, en 2020. Bien que seule en scène, Guylaine Tremblay incarne une professeure de littérature de Montréal qui retrouve ses amis en Provence pour la saison estivale, comme elle le fait à chaque été depuis des années. Elle s’adresse donc à eux, à travers le public. Quel bonheur de vous retrouver, s’exclame-t-elle ! J’avais tellement hâte de vous voir ! Voilà des mots qui ont acquis une nouvelle résonance ces derniers mois et qui mettent la table pour des retrouvailles qui pourraient être les dernières.
On apprendra, en effet, que cette femme qui se targue d’être très en contrôle de sa vie, est aux prises avec une maladie qui grignote son cerveau. Déjà, on la voit peiner à prendre une orange sur une table. Troublant ! Plus tard, ce sera la parole qui sera affectée. Déchirant !
Mais, malgré cette épée de Damoclès, la vacancière s’en donne à coeur joie ! Hilarante en femme qui a pris un petit coup de trop; heureuse et un peu honteuse d’avoir baisé avec un jeune voisin dans la vingtaine, elle célèbre la vie à fond, tout en prévenant ses amis qu’elle aura bientôt besoin de leur aide.
Parmi les personnages auxquels elle s’adresse, il y a aussi sa fille unique à qui elle a enseigné à être libre. Cette dernière l’a longtemps accompagnée en vacances en Provence, mais elle vole maintenant de ses propres ailes et n’est plus aux côtés de sa mère.
En plus d’un survol un peu prévisible de cette relation mère-fille, le texte s’éparpille. Avons nous encore besoin de parler des complexes des Québécois face à l’assurance qu’affichent les Français ? Faut-il voir du machisme dans le fait qu’un serveur choisisse lui-même quel drink apporter à une cliente, en remplacement de celui qu’elle a commandé et qui n’est plus disponible ? Bien sûr, avec Guylaine Tremblay, on ne s’ennuie pas, mais cette pièce d’une heure 40 pourrait être resserrée.
Très agile, la mise en scène d’Édith Patenaude permet à la comédienne de passer facilement des beaux jours aux moments où la maladie prend le dessus. Il faut aussi souligner l’excellent travail d’Eliot Laprise à la vidéo où se joue des séquences clés du spectacle. Quant à l’environnement sonore de Mykalle Bielinski, il traduit en musique avec justesse cette partition dramatique.
Enfin, sans tout vous dévoiler, disons que la scène finale est particulièrement poignante ! Grâce à des séquences enregistrées et projetées sur écran, la professeure autrefois éloquente prononce ses adieux avec une élocution abîmée par la maladie. Elle a beau se savoir condamnée, ses remerciements à ses amis de l’avoir aimée parfaitement sont lumineux ! Une performance de Guylaine Tremblay qu’on n’oubliera pas de sitôt ! Je vous souhaite de voir ce spectacle.
Les étés souterrains
Texte : Steve Gagnon
Mise en scène : Édith Patenaude
Avec : Guylaine Tremblay
Vidéo : Eliot Laprise
Musique : Mykalle Bielinski
À la Grande Licorne, jusqu’au 8 mai.
Toutes les représentations sont complètes, mais il pourrait y avoir des supplémentaires. À suivre.