Philippe Berghella et Manuel Tadros, entourés de six musiciens, ont habilement réussi à nous faire oublier les affres d’une énième tempête de neige qui sévissait à Montréal avec leur joyeux spectacle Salut à Bécaud et Aznavour au Cabaret du Casino en cette matinée de mars 2019 devant une salle remplie à craquer!
Sur une scène toute sobre, à l’image même des deux immenses artistes que sont Charles Aznavour et Gilbert Bécaud, Berghella dans son complet bleu, a brisé la glace depuis le parterre avec l’irrésistible Je m’voyais déjà qu’Yves Montand avait pourtant refusée mais qui a été le premier jalon du succès de la carrière incomparable du grand Charles. Avec sa solide voix basse, le beau ténébreux québécois a su conquérir le public dès le départ.
Mais il fallait aussi voir Manuel Tadros, le père de l’autre génie, s’attaquer au répertoire d’une tranche des plus belles chansons de Bécaud en commençant par Je t’appartiens, cravate à pois en sus. Tadros dont la longue carrière d’artiste est multi-directionnelle, occupe de façon magistrale la scène. Flashback: vu il y a 30 ans sur la scène du Méridien, Tadros était déjà un entertainer épatant. Aujourd’hui, il a mûri comme un bon vin. Il est étonnamment partout sur scène, tourbillonne, pivote, saute et danse au gré des chansons de Monsieur 100,000 volts comme dans Un peu d’amour et d’amitié… Il interagit élégamment avec le violonniste rouquin Marc Angers non seulement lors de la sensationnelle Vente aux Enchères comme s’il était avec M. Pointu, mais aussi lors de la poignante Nathalie. Tadros a la voix puissante qui se rapproche de celle de Bécaud comme dans la dramatique Je reviens te chercher mais il vient aussi enrichir la prestation et forcément conquérir le public en activant son talent d’acteur. On a vraiment l’impression qu’il adore être sur scène et qu’il aime le public.
Philippe Berghella endosse avec classe et aplomb le répertoire de Charles Aznavour avec Désormais, puis la classique Hier Encore, Et pourtant, Paris au mois d’août, La Bohème, Les Comédiens. Les messages tragiques et heureux d’Aznavour passaient dans son regard, dans sa mimique, dans ses gestes symboliques, ses jeux de mains et de pieds. Berghella, lui, n’imite personne ici. Il bouge peu et fait à peine le jeu d’acteur. Il incarne plutôt le crooner. Il a la voix virile, la beauté masculine naturelle qui hypnotise, la coiffure du conquérant et le charisme qui forcément attirent l’attention. Cela n’enlève rien à son talent mais parfois, on aimerait qu’il fasse un pas de plus, un pas artistique, un pas de son cru, qu’il nous titille pour nous séduire…
Puis, en duo pendant le medley de huit chansons, on se rend compte que le temps a passé vite avec ce grand salut à deux légendes immortelles qu’on voudrait revoir à jamais et qu’ont incarné pendant plus d’une heure avec un immense respect Philippe Berghella et Manuel Tadros. Et c’est le coeur joyeux d’avoir été exposés à 100 000 volts de talent et à des mots qui rejoignent l’âme à son plus vrai que nous sommes repartis heureux, cette fois en faisant fi de la tempête…
Jusqu’au 28 mars au Cabaret du Casino de Montréal.
Photos: Groupe Bazz