L’adaptation québécoise de la comédie musicale Le Bodyguard ne manque pas d’audace! Jennifer-Lee Dupuy, chanteuse québécoise d’origine haïtienne encore inconnue du grand public, interprète avec aplomb la majeure partie des grandes mélodies de la trame sonore du film The Bodyguard, dont l’incontournable I will always love You. Le comédien et chanteur Frédérick De Grandpré qui s’était fait rare ces dernières années, nous revient en garde du corps tout à fait crédible. De son côté, le metteur en scène Joël Legendre a choisi de faire parler tout ce beau monde en québécois sur un ton plutôt comique, même si la vie d’une superstar est en jeu…
Dès le début de la soirée, on est emporté par les chorégraphies énergiques de Steve Bolton, au son de Queen of the night. On nous en met plein la vue également avec les costumes souvent scintillants de Sylvain Genois. Très bonne idée d’avoir enregistré les chœurs qui ont du panache et qui nous donnent l’impression d’être interprétés par les danseurs! L’illusion est réussie! D’ailleurs, en général, ce sont les numéros rythmés avec danseurs qui soulèvent l’enthousiasme du public.
Par contre, l’histoire est mince et prévisible. Si vous avez vu le film, sorti en 1992, vous vous souviendrez sans doute qu’on y braque les projecteurs sur Kevin Costner dans le rôle de Frank Farmer, engagé pour protéger la chanteuse Rachel Marron, personnage immortalisé par Whitney Houston.
Plus de trente ans plus tard, les grands succès I’m every woman, Run to you, I have nothing, Jesus loves me, etc., font toujours leur effet sur le public qui en redemande! On a d’ailleurs ajouté quelques tubes tirés principalement des premiers albums de Whitney dont How will I know et I wanna dance with somebody, interprétés par Jennifer-Lee Dupuy et d’autres artistes dont Sharon James qui incarne la soeur de la diva, en alternance avec Maëva Grelet.
Évidemment, la voix prodigieuse et la grâce de Whitney Houston sont intimement liées à nos souvenirs de ces chansons iconiques. Même si madame Dupuy s’investit pleinement, ça demeure un répertoire très exigeant pour une artiste en début de carrière. Le défi est ambitieux mais, encore faut-il avoir les moyens de ses ambitions! La jeune femme n’arrive pas à nous faire croire à son personnage, entre autres, lorsqu’elle parle avec un détachement déconcertant des funérailles de sa soeur qui vient d’être assassinée.
De son côté, Frédérick De Grandpré qu’on a pu voir à l’écran dans les séries Le Négociateur, Lance et compte et District 31, est convaincant en garde du corps ayant accepté sa mission à contrecœur et qui finit par tomber amoureux de sa protégée. L’acteur se permet toutefois une version de I will allways love You qui ne fait pas honneur au chanteur qu’il a été, gagnant même un Félix en 2005. Ce numéro de karaoké est censé faire rire…
Par contre, on se bidonne franchement -mais, est-ce bien la volonté du metteur en scène?- au moment où le couple se retrouve dans un chalet typiquement québécois, alors qu’il neige à plein ciel! Cet environnement visuel détonne vertigineusement par rapport aux autres projections de la soirée qui nous entraînent dans des allées de palmiers ou alors, dans la cossue résidence de la diva, où l’on aperçoit les buildings du centre-ville de L.A.
Ajoutons à cela que le responsable de la sécurité de la star, Tony Scibelli, parle avec un accent d’Italien de Montréal, à travers l’interprétation de Normand Carrière qui a plutôt l’air d’une parodie. Il faut dire que The Bodyguard a été souvent parodié, entre autres, par les Simpsons.
Enfin, cette adaptation québécoise a le mérite de permettre au public de découvrir de valeureux artistes dont l’interprète principale. Pour sa part, Sharon James tire bien son épingle du jeu en reprenant, entre autres, le succès All at once. Quant au tout jeune Roman Viau Diadhiou, en ce soir de première, il a soulevé la foule grâce à son aisance à se glisser dans la peau de Flechter, fils de la star menacée.
Le Bodyguard, spectacle dynamique d’environ 90 minutes, incluant un entracte, se termine avec l’irrésistible I wanna dance with somebody, où chacun des protagonistes vient chanter quelques mots au rappel. À ce moment, toute l’assistance était debout, avant de quitter la salle le coeur léger et le pied dansant!
Le Bodyguard – La comédie musicale
Avec: Frédérick De Grandpré et Jennifer-Lee Dupuy
Mise en scène: Joël Legendre
Dialogue en français / chansons en anglais
–Montréal
Au Théâtre St-Denis jusqu’au 15 avril
Supplémentaires du 23 novembre au 3 décembre 2023
–Québec
Au Théâtre Capitole du 28 juin au 6 août
*Crédit photo: Sébastien Jetté et Annie Diotte