La Maison symphonique était remplie, vendredi soir, alors que le public montréalais a pu enfin voir Yannick Nézet-Séguin diriger le Philadelphia Orchestra, considéré comme l’un des cinq meilleurs des États-Unis. Visiblement fier et ému de nous présenter cet orchestre mythique dont il est le chef depuis 13 ans, le maestro a lui-même qualifié ce moment de «surréel !» L’opulence sonore et la précision qui caractérise le travail de ces musiciens nous a fait une si forte impression que les mélomanes ont offert une qualité d’écoute des grands soirs, même ceux qui ont assisté au concert debout au balcon!
Un programme à l’image d’un orchestre légendaire
On retiendra surtout de cette soirée magique, l’interprétation de la 2e Symphonie de Rachmaninov, un compositeur dont la musique est en quelque sorte gravée dans l’ADN de l’orchestre philadelphien. Non seulement ce musicien russe a collaboré étroitement avec le Philadelphia Orchestra mais, il lui a même dédié ses Danses symphoniques op. 45.
Dès le premier mouvement de la plus connue des symphonies de Rachmaninov, on est captivé par la puissance des cordes et la beauté qui s’en dégage. Après une introduction calme, un climat dramatique s’installe. La netteté des interventions des cuivres est à vous donner des frissons! Yannick Nézet-Séguin bondit sur le podium pour guider ses complices! Tous se donnent comme si leur vie en dépendait! En plus de goûter à la grandeur de cette musique, on est visuellement emporté par l’intensité des musiciens et de leur chef, comme s’ils nous entraînaient dans quelque univers, au-delà des limites des humains.
Ce voyage musical de près d’une heure atteint des sommets d’émotion dans le bouleversant Adagio, dirigé avec une immense sensibilité. Cette oeuvre grandiose se termine sur un Allegro vivace, aux accents énergiquement ponctués par les percussions et les cuivres. Une véritable fête orchestrale!
En début de soirée, on a interprété la Symphonie n° 4 de Florence Price. Ici, c’est surtout le 2e mouvement qui nous interpelle, à cause de plusieurs similitudes avec le mouvement correspondant de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák. Pour le reste, on comprend que malgré les limites de l’oeuvre parfois éparpillée de cette compositrice, on veut rendre hommage à la première Afro-Américaine à avoir écrit et fait jouer une symphonie par de grands orchestres américains.
Nézet-Séguin et le Philadelphia Orchestra ont d’ailleurs gravé deux disques de symphonies de Price chez Deutsche Grammophon, dont le premier a été récompensé du prix de la «Meilleure interprétation orchestrale», en 2022. Pince-sans-rire, le chef d’orchestre nous a d’ailleurs fait part d’une blague qu’il a servi aux publics de Toronto et Ottawa, où il était en concert avec son orchestre américain, plus tôt cette semaine. Essentiellement, le Montréalais a voulu souligner aux mélomanes canadiens que même si ses enregistrements de Price ont été ignorés aux Junos, ils lui ont tout de même permis de se consoler en remportant un Grammy. Et vlan!
Cela dit, une atmosphère de grande fierté régnait à la Maison symphonique, en ce 19 avril 2024. La réussite professionnelle exceptionnelle de Yannick Nézet-Séguin nous touche tous, d’autant plus qu’il a su conserver une remarquable simplicité et une chaleur humaine hors du commun. Il est d’ailleurs allé remercier ses chefs de pupitre un à un à la fin du concert, avec des accolades bien senties. Une scène touchante qui résumait bien le génie musical et rassembleur du lumineux Yannick!
L’OM reçoit l’Orchestre de Philadelphie / Chef: Yannick Nézet-Séguin
Florence Price, Symphonie no 4 / Sergueï Rachmaninov, Symphonie no 2
Diffuseur : Orchestre Métropolitain
Concert présenté à la Maison symphonique de Montréal, le 19 avril 2024
*Photos fournies par l’Orchestre Métropolitain