L’Orchestre symphonique de Montréal termine sa 90e saison avec un concert particulièrement spectaculaire où Rafael Payare et ses musiciens soulignent le 10e anniversaire du Grand orgue Pierre-Béique. Quatre organistes se partagent les claviers de ce gigantesque instrument qui possède 109 registres, 83 jeux et 6 489 tuyaux! La célèbre Symphonie no 3 de Saint-Saens est la pièce de résistance de cette soirée, où l’on découvre aussi une envoûtante création du compositeur québécois Denis Gougeon.
Cet ambitieux programme est présenté, ce soir encore, 30 mai, à la Maison symphonique. C’est une occasion rêvée de voir et entendre ce qu’est devenu l’OSM un peu plus de deux ans après l’arrivée de son nouveau directeur musical et aussi d’écouter des oeuvres qui ne pourraient être jouées avec autant de moyens dans aucune autre salle montréalaise.
De la suite dans les idées
D’entrée de jeu, l’organiste Shin-Young Lee, originaire de la Corée du Sud, s’installe aux claviers pour la Tocatta festiva, pour orgue et orchestre de Samuel Barber. Dès les premières mesures, on sent le déploiement de magnificence que le compositeur américain a voulu exprimer lors de l’inauguration du nouvel orgue de l’Académie de musique de Philadelphie, en 1960.
La création de Denis Gougeon intitulée Jubilate! s’inspire d’ailleurs, en partie de cette oeuvre de Barber, notamment par l’inclusion d’une cadence virtuose pour pédalier. Dans le programme du concert, le compositeur compare sa fantaisie pour orgue et orchestre à un carrousel en mouvement. «Il y a une succession de moments à l’intensité variable, mais toujours dans une grande énergie rythmique et avec le sentiment qu’on s’en va vers quelque chose. Cette directionnalité se retrouve à la fois à l’orgue et à l’orchestre qui parfois prend le relais et impose ses propres thèmes.»
Soulignons que l’intervention du xylophone ajoute une touche d’originalité à cette pièce rythmée et joyeuse d’environ 13 minutes, où l’organiste en résidence de l’OSM, Jean-Willy Kunz, joue en continu, à l’exception d’une vingtaine de mesures.
Voyage spatial
Quant à la Symphonie concertante pour orgue et orchestre de Joseph Jongen, son dernier mouvement s’apparente à des musiques de films qui se déroulent dans une galaxie lointaine. Pourtant, cette partition a été jouée pour la première fois en 1928.
La console de l’orgue étant placée sur la scène pour les trois oeuvres décrites jusqu’à maintenant, on peut admirer le travail des instrumentistes à la fois avec les mains et les pieds. Pour sa part, l’organiste québécoise Isabelle Demers fait preuve d’une grande virtuosité dans le premier mouvement de l’oeuvre de Jongen où elle donne l’impression d’être en dialogue avec l’orchestre et de lui répondre du tac au tac, à l’orgue.
Enfin, la «Symphonie avec orgue» de Camille Saint-Saëns est l’apothéose de cette soirée d’envergure! L’opus 78, interprété avec Olivier Latry, organiste émérite de l’OSM, est l’une des plus grandes réussites, parmi les très nombreux concerts auxquels j’ai assisté depuis le début de l’année.
Du début à la fin, cette oeuvre d’environ 35 minutes est captivante! On passe d’un épisode vif, Allegro moderato à un épisode lent, Poco adagio, où résonne l’orgue pour la première fois. L’effet de contraste est saisissant!
Avec le rigoureux et dynamique Rafael Payare, le Maestoso est éblouissant, alors que le thème principal est développé conjointement par les cordes et l’orgue. Dans le finale, le compositeur français atteint des sommets d’intensité, quand les différentes sections de l’orchestre se répondent, créant un effet d’imitation. Puis, la puissance de l’orgue s’impose à nouveau. Beau à pleurer!
Pour ajouter à l’émotion de cette soirée, Madeleine Careau vient remercier ses collaborateurs de l’OSM pour l’avoir aidée à guider l’orchestre en tant que cheffe de la direction durant un quart de siècle. Madame Careau qui quittera son poste le mois prochain, a notamment recruté maestro Kent Nagano en 2006; elle a aussi travaillé au lancement de la Virée classique, en plus de piloter l’ouverture, en 2011, de la Maison symphonique de Montréal, résidence de l’OSM.
La majestueuse Symphonie avec orgue de Saint-Saëns
Programme:
Barber : Toccata festiva, pour orgue et orchestre, op. 36
Jongen : Symphonie concertante, pour orgue et orchestre, op. 81
Denis Gougeon : Jubilate!, fantaisie pour orgue et orchestre (création, commande de l’OSM)
Saint-Saëns : Symphonie n° 3 « avec orgue »
Artistes:
Shin-Young Lee (orgue, Barber), Isabelle Demers (orgue, Jongen), Jean-Willy Kunz (orgue, Gougeon), Olivier Latry (orgue, Saint-Saëns)
Orchestre symphonique de Montréal, Rafael Payare, chef
À la Maison symphonique, les 28, 29 et 30 mai
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