L’Orchestre Métropolitain (OM) a livré un concert d’une rare intensité à la Maison symphonique de Montréal, en avant-goût de sa tournée européenne. Intitulé Invitation au voyage, ce programme ambitieux a mis en lumière non seulement la virtuosité de l’ensemble, mais aussi la vision artistique sans compromis de son chef, Yannick Nézet-Séguin.
Dès les premières mesures de La Valse de Ravel, le ton était donné : précision tranchante, souffle dramatique, tension parfaitement maîtrisée. Sous la direction de Nézet-Séguin, cette œuvre s’est révélée moins une évocation nostalgique qu’une critique féroce d’un monde en déclin. Le chef québécois a su en extraire à la fois la flamboyance et l’ombre, avec un sens du détail et une cohérence de geste qui captivent.
La transition vers Eko-Bmijwang (Aussi longtemps que la rivière coule) de la compositrice autochtone Barbara Assiginaak a été menée avec une sensibilité remarquable. Cette œuvre méditative, empreinte de spiritualité et de mémoire collective, a trouvé dans la direction attentive de Nézet-Séguin un allié discret mais essentiel. Il n’en impose pas, il révèle — et cette qualité rare fait toute la différence.
Le pianiste Alexandre Kantorow, invité de marque, a ensuite électrisé la salle avec un Concerto pour piano n° 2 de Saint-Saëns aussi élégant que fougueux. Nézet-Séguin, à la tête d’un orchestre souple et réactif, l’a accompagné avec une finesse qui laisse transparaître des années de complicité avec ses musiciens. Il sait quand diriger, quand respirer, quand s’effacer. Résultat : un dialogue vif, presque chambriste, entre soliste et orchestre.
Enfin, la Symphonie n° 6 « Pathétique » de Tchaïkovski a couronné l’après-midi d’une charge émotionnelle foudroyante. Loin du pathos facile, Nézet-Séguin a choisi la rigueur : chaque mouvement était sculpté avec lucidité, sans concession au spectaculaire, mais avec une intensité bouleversante. Son approche, ancrée dans une lecture profonde de la partition, a offert au public une interprétation à la fois intime et universelle.
Yannick Nézet-Séguin, aujourd’hui à la tête du Metropolitan Opera de New York, de l’Orchestre de Philadelphie et de l’Orchestre Métropolitain, continue de porter haut les couleurs du Québec sur toutes les grandes scènes du monde.
Mais c’est à Montréal, avec son orchestre de cœur, qu’il semble puiser une énergie particulière. Ce concert en est la preuve éclatante : au-delà de la maîtrise technique, c’est une forme de vérité musicale qui se dégage de son travail. Lucide, engagé, inspiré.
La tournée de l’OM passera par Bruxelles, Paris, Vienne, Hambourg et Baden-Baden. Nul doute que ce programme puissant — et surtout cette cohésion rare entre un chef et son orchestre — saura y faire résonner toute la richesse de la scène musicale montréalaise.































































