La nudité peut-elle encore être inconfortable dans un spectacle de danse … oui. Amour, acide et noix, oeuvre reprise du chorégraphe de danse contemporaine Daniel Léveillé, nous fait prendre conscience qu’aujourd’hui encore, le corps reste un objet de tabous, un objet incompris que l’on tente encore de sublimer en le disciplinant, en le poussant à ses limites.
Le rapport avec la nudité des corps dans Amour, acide et noix est particulier : ici, la nudité est un outil pour élaguer tous les artifices avec lesquels nous devons composer de façon journalière. Elle nous met au pied du mur, nous empêchant « de changer de sujet », car il n’y a rien d’autre sur quoi jeter notre dévolu ou nous distraire.
N’ayant plus de masques ni d’artifices, le public se voit imposer d’être témoin et d’être confronté aux luttes profondes auxquelles il doit faire face pour surpasser les limites de son existence.
Les mouvements semblent naître de nulle part et ils apparaissent soudainement dans l’espace comme des feux d’artifices, des explosions de peinture sur une toile. Cette composition chorégraphique évoque la violence de nos pulsions animales qui nous assaillent, indomptables, et rappelle un peu la manière dont la musique jazz exploratoire nous surprend lorsque des sons impromptus surgissent. Les pulsions animales, dirait-on, semblent incarnées.
Le haut niveau technique, complémenté par des répétitions de mouvements et une grande demande d’intensité d’exécution amènent les interprètent dans un état d’épuisement contre lequel ils doivent lutter pour performer.
La beauté de ce défi ? Le résultat final n’est plus aussi important, ni le besoin de réussir un mouvement très compliqué. En bout de ligne, ce qui importe devient plutôt les intentions et les désirs avec lesquels les interprètes s’engagent pour exécuter leurs mouvements. On sent ainsi, paradoxalement, que leurs âmes nous sont révélées.
Amour, acide et noix est une poésie impossible des corps où parfois l’enveloppe la plus féminine devient la plus dure de toutes et où l’enveloppe la plus masculine devient la plus sensuelle.
Chapeau aux danseurs Mathieu Campeau, Esther Gaudette, Justin Gionet et Emmanuel Proulx qui ont réinterprété cette œuvre exigeante du répertoire de Daniel Léveillé Danse.
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Une production de Daniel Léveillé Danse, en collaboration avec l’Agora de la
Danse et le département de danse de l’UQÀM. Une diffusion de La Chapelle.
Amour, acide et noix
Horaire des représentations: lundi 12 décembre, 19h et mardi 13 décembre, 20h.
Chorégraphie: Daniel Léveillé
Interprétation: Mathieu Campeau, Esther Gaudette, Justin Gionet, Emmanuel Proulx
Lumière: Mac Parent Musique: Les Quatre saisons, Antonio Vivaldi
Répétitrice: Sophie Corriveau
Direction technique: David Desrochers
Photo: Frédéric Boivin, Dave St-Pierre, David Kilbu rn, Ivana Milicevic © John Morstad