C’est toute une performance que nous livre 7Starr, pionnier canadien de la scène Krump. Ce style de danse urbaine, injustement décrit comme violent, se veut au contraire une communion physique et sensorielle entre les danseurs. Le krumper et la chorégraphe contemporaine Lucy May ont donc travaillé ensemble pour abolir les préjugés, conjuguer leurs forces et proposer un espace dans lequel l’émotion rejoint deux idéologies à l’apparence contraire. Une belle rencontre qui sublime les deux styles.
7Starr aime les semer la confusion : amical et taquin, c’est lui-même qui accueille le public. Confortable dans ce rôle de maître de cérémonie, il glisse quelques blagues, échange de manière décontractée avec quelques spectateurs et au bout de cinq minutes, toute l’assemblée est déjà conquise par sa nonchalance et son – apparente – décontraction. Car on suppose que l’exercice qu’il s’apprête à faire, le sort de ses sentiers battus. Et l’audience, constituée aussi bien d’érudits que de curieux de la scène hip-hop, ne sait pas trop à quoi s’attendre. Tranquillement, sur fond de dialogue inachevé, 7Starr se lance…
Le mélange du Krump et du contemporain se fait dès le départ. Intelligemment pensée, cette vision permet de rallier tous les spectateurs au propos principal de la performance : la fusion et l’équilibre des styles. Chacun nourrit et enrichit l’autre. Si l’artiste avait présenté un numéro de Krump d’entrée de jeu, il nous aurait conquis certes, mais ce n’était pas l’objectif. D’autant que conquis, nous l’étions déjà dès la première minute : le gars cool qui nous accueillait à l’entrée, revêt rapidement son aura de danseur, avec tout ce que cela implique de concentration, force et technique. Si minime fut le mouvement d’épaule, de bras, ou de torse, nous savions déjà que nous avions affaire à du haut calibre.
La chorégraphie, ou plutôt, le cheminement du danseur se veut une présentation du style Krump, des émotions véhiculées par l’interprète. Énergiques, tendus, précis, les mouvements suivent la rythmique d’une musique créée pour l’occasion et qui est de ce fait, très pertinente. Mais c’est davantage lorsque 7Starr respire, s’essouffle, se reprend, que l’on comprend le bouillonnement intérieur, l’effort qui vient du physique bien sûr, mais surtout du mental. Ce passage oscillant entre la musique, le silence et l’humain, est une pure réussite.
Un passage plus léger nous rapproche du gars cool du début. À la limite du mime, il nous propose un jeu de « masques », qui traduit la palette d’émotions dont il se sert pour porter son art. Étrangement, c’est lorsqu’il se met à parler et à nous expliquer quelques gestes et leur signification, que l’attention se perd. Le danseur a une présence scénique telle, que la parole – surtout avec accent forcé – est superflue.
Bien entendu, nous aurons un segment entièrement consacré au Krump comme tel. Lumières hypnotiques et réactions de plusieurs aficionados, l’ambiance battle débarque et le contraste avec la mise en scène construite depuis le début n’en est que plus efficace. Le final empreinte plus à la dimension contemporaine, avec une approche poétique, autour d’une lumière rouge qui s’éteint tranquillement.
Canaliser pour prendre de l’ampleur, marquer pour se déchaîner, se dévoiler pour partager : les deux artistes posent un regard profond sur leurs contrastes scéniques, emplit de respect. Une heure d’introspection partagée qui ouvre bien des perspectives.
Durée de la performance : 1h sans entracte.
Anima / Darkroom est présenté au théâtre La Chapelle jusqu’au 1er octobre.
Crédit photo : Do Phan Hoi






























































