Le Studio-Cabaret de l’Espace St-Denis a été le théâtre d’un voyage à travers le temps et les continents, où l’Égypte et la France se sont rencontrées sous le signe d’une même voix : celle de Dalida. Mais c’est Joan Bluteau qui a prêté la sienne à l’icône, avec une intensité rare qui a conquis le public montréalais.
Dès les premières notes de J’attendrai, la salle bascule. Le public reconnaît immédiatement la silhouette gracieuse, la prestance et l’élégance de la chanteuse québécoise. Pourtant, il ne s’agit pas d’une imitation, mais d’une incarnation sensible. Bluteau réussit l’exploit de restituer non seulement les succès de Dalida, mais surtout l’âme de son répertoire. Sa voix, ample et chaleureuse, se déploie avec une justesse qui touche droit au cœur.
La force de ce spectacle tient dans la variété d’émotions qu’il offre. Les rythmes légers et entraînants de Bambino font sourire, les envolées disco de Laissez-moi danser rappellent une Dalida flamboyante et moderne, tandis que les ballades comme Mourir sur scène laissent planer une émotion lourde, teintée de tragédie. Chaque chanson devient un tableau où Bluteau réussit à faire revivre non seulement la star, mais aussi la femme, avec ses forces, ses fragilités et ses blessures.
L’expérience est renforcée par une mise en scène soigneusement pensée. Quatre musiciens talentueux accompagnent l’artiste et créent un écrin sonore fidèle à l’esprit Dalida, sans tomber dans le pastiche.
Les costumes, inspirés des tenues flamboyantes de la chanteuse, ajoutent une touche glamour, tandis que des projections vidéo viennent ponctuer le spectacle. Ces images, loin d’être anecdotiques, offrent un fil narratif et permettent de revisiter le parcours exceptionnel mais souvent tourmenté de Dalida.
L’intimité du Studio-Cabaret ajoute un charme particulier à cette soirée. Dans cette salle où chaque spectateur se trouve à proximité de la scène, les émotions circulent sans filtre. Le moindre frisson dans la voix de Bluteau devient palpable, chaque regard lancé vers la salle trouve un écho immédiat. Cette proximité transforme le concert en une rencontre presque confidentielle, comme si Dalida, par-delà le temps, venait se confier directement au public.
Pour mesurer la portée de cet hommage, il faut rappeler qui était Dalida. Née Iolanda Cristina Gigliotti au Caire en 1933, de parents italiens, elle devient en quelques années une star mondiale. Sa carrière phénoménale se chiffre en millions de disques vendus et en succès chantés en sept langues.
Elle a traversé les modes et les époques avec une aisance remarquable, passant du twist au disco, des chansons festives aux ballades tragiques. Sa beauté magnétique et son sens du spectacle ont fait d’elle une figure incontournable, mais derrière la lumière se cachaient aussi des ombres profondes qui alimentent encore aujourd’hui le mythe Dalida.
C’est précisément ce mélange de force et de fragilité que Joan Bluteau parvient à capturer. Et si elle réussit à incarner Dalida avec autant de vérité, c’est sans doute parce qu’elle-même possède une carrière riche et internationale.
Originaire de Québec, Bluteau a parcouru le monde avec le Cirque du Soleil, prêtant sa voix puissante et son intensité dramatique à Alegria, où elle incarnait la Reine Blanche devant des millions de spectateurs. Habituée aux grandes scènes, elle a su, au fil du temps, transformer l’émotion brute en art raffiné. Ce bagage transparaît dans Avec le temps… Dalida, où elle conjugue technique, passion et humanité.
En définitive, Avec le temps… Dalida n’est pas seulement un hommage musical : c’est une véritable célébration d’une artiste intemporelle, revisitée par une interprète qui connaît les vertiges de la scène et les exigences de l’émotion. Joan Bluteau offre au public montréalais bien plus qu’un spectacle : un rendez-vous sensible où l’on se surprend à croire que Dalida, pour quelques instants, est encore parmi nous.































































