Trois femmes d’origine québécoise, roumaine et irlandaise composent le poétique et imagé collectif La Tresse. Chacune est ainsi allée puiser l’inspiration tantôt mystique, tantôt religieuse dans son histoire, pour explorer la trinité féminine de la Vierge, la Mère et la Sage. Oscillant entre force, rébellion et fragilité, les interprètes et chorégraphes utilisent toutes les formes d’expression pour explorer la symbolique derrière cette appellation et pour ouvrir nos perspectives d’interprétation.
Avant de donner libre cours à leurs imaginaires et libre envie à leurs performances, Geneviève Boulet, Erin O’Loughlin et Laura Toma, ont fait un important travail de recherche, de compilation, puis on imagine, de sélection. Deux ans pour capter l’essence des légendes et chants qui ont habillé leur enfance ou celle de leurs ancêtres. Deux ans, pour traduire leur apprentissage en mots et en mouvement. Ce qui ressort de cet exercice extrême? Une complicité et une beauté qui nous transportent effectivement dans des contrées lointaines.
Dans une pénombre à peine perturbée par les jets de lumière, on devine ce qui pourrait être interprété comme un accouchement. Les trois danseuses se meuvent sous une couverture et laissent une ambiance feutrée – à la limite du recueillement – s’installer. Tout est élégant, subtil : nues, elles disparaissent pour revenir toutes vêtues de blanc pour deux d’entre elles, et en allure de madone pour la troisième. Il faut voir leurs visages exprimer la joie, la résilience, la perte. L’un des tableaux les plus touchants, se termine sur la mise à nue d’Erin O’Loughlin, quittant un habit austère par sa forme –vêtement de religieuse – mais provocant par sa couleur, parme. Sachant que l’un des contes celtiques les plus inspirants évoque les saintes prostituées du temple d’Ishtar, on comprend que la trinité doit toujours être prise pour ce qu’elle est : la somme des trois.
Symbole de force, de pureté ou de pénitence, le nu est intelligemment dosé. Ce ne sera pas là leur seule voie de partage. Un cri qui déchire le silence respectueux du public, une ritournelle aussi joyeuse qu’entêtante, le martèlement des souliers sur le plancher… la Femme est soumise à différentes interprétations, à différentes lois. Aussi, il est rare de voir les trois jeunes femmes évoluer ensemble. Elles se nourrissent de la présence – et même de l’absence – de chacune et ont une complicité fusionnelle, qui amène une dimension supplémentaire à leurs interactions, proches comme lointaines.
Les mouvements dansés sont savamment distillés au milieu de ce que l’on pourrait appeler une appropriation de l’histoire et de son émotion. De nombreux passages au sol rappellent des prières, des appels, tels des murmures engagés envers sa foi ou celle d’une autre entité, qui reste à déterminer.
Toute une partie de leur chorégraphie appelle un corps à corps intime, mais on joue ici sur la sensibilité, et non pas sur l’attraction. Le final est perturbant de rythme et de couleur, alors que tout s’est déroulé jusqu’alors dans une certaine retenue. Ce n’est pas un bémol, mais le point d’orgue d’une communion aux profondes racines. Un univers décliné sous un nombre impressionnant de tableaux, qui – nous nous en doutons – n’a dû présenter qu’une infime partie de leurs histoires à elles et à Elles.
Si La Tresse a déjà reçu la mention « À surveiller » pour ses projets précédents, Encre Noire assoit son statut de Création au sens propre du terme. Première pièce intégrale du collectif, Encre Noire, est un aboutissement mérité et fusionnel – que l’on espère précurseur – pour ces trois danseuses inspirées et définitivement intrigantes.
Crédit photo : Valérie Boulet
Pour tout savoir sur le collectif La Tresse, visitez latresse.ca.
Pour découvrir la programmation de l’Agora de la danse, visitez agoradanse.com.






























































