Fidèle à ses habitudes, le Festival du Monde Arabe est de retour, avec des concerts basés sur des rencontres artistiques audacieuses qui culmineront lors du spectacle Roots of Flamenco, à la Place des Arts. Cette soirée alliant des traditions musicales d’Irak et d’Andalousie réunira, entre autres, les célèbres musiciens Omar Bashir et Carlos Piñana.
Faisant fi des interdits liés à l’appropriation culturelle, la 24e édition du FMA se déroulera sous le thème Appartiens-moi, fragments d’une identité vagabonde. Durant deux semaines, des musiciens, danseurs, cinéastes, acteurs et penseurs sont invités à «raviver la flamme d’une créativité sans limites, où identités et cultures se fondent, s’entrechoquent et ne cessent de se redéfinir.»
« L’autre en soi »
D’entrée de jeu, Matias Ollivier, adjoint à la direction artistique du FMA, reconnaît que le thème du Festival, «Appartiens-moi», a quelque chose de «provocateur» dans notre univers, «à la fois mondialisé et aux identités compartimentées, où la restriction fait parfois office de liberté… Ce thème met en lumière les traces irréductibles de l’autre en soi et souligne cette quête universelle de l’émerveillement qui fait le sel de toute beauté et de tout art. »
Chose certaine, ce souci de créer des ponts entre diverses cultures est gravé dans l’ADN du Festival, depuis ses débuts. On se souviendra, entre autres, que deux ans après les évènements du 11 septembre, le FMA osait Le cercle de l’extase, une rencontre entre les chants mystiques de l’islam et le chant grégorien du christianisme.
En cet automne 2023, marqué par les affrontements sanglants entre Israël et le Hamas, cette guerre très médiatisée risque-t-elle de refroidir les festivaliers ? «C’est une bonne question, mais il est encore trop tôt pour y répondre», estime monsieur Ollivier. «Le FMA a toujours cristallisé les craintes. Nous sommes habitués aux crises. Celle-ci nous touche particulièrement. Nous croyons plus que jamais à la force du monde arabe et notre festival est la seule plate-forme où l’on peut explorer les cultures arabes.»
Cela dit, indépendamment des questions politiques, le FMA propose des rencontres artistiques rares.
Musiques arabes et persanes
Par exemple, l’Ensemble Golshan promet de parcourir les différents apports et emprunts qui ont traversé la musique perse au fil des âges. Fascinés par le raffinement musical persan, les Arabes en adoptèrent des modes et des structures tout en continuant à les parfaire. Mais, la musique persane fut elle aussi perméable à cette rencontre. Résultat: on dit que les musiques arabe et persane ont été comme deux grands fleuves qui coulent côte à côte et se jettent fréquemment l’un dans l’autre.
Elles se sont imposées d’Asie jusqu’en Andalousie, en passant notamment par la Turquie. C’est ce mélange de beauté et de raffinement que souhaite célébrer l’Ensemble Golshan, avec au chant, la voix profonde de Habib Hoseini, au târ, Maryam Tazhdeh, au tombak, Ziya Tabassian, au oud, Hamed Vatankhah, et au kamancheh Saeed Kamjoo.
La Perse t’appartient / Création FMA 2023
Cinquième salle de la Place des Arts / 1er novembre, à 20h.
De Chine et de France
Parmi les ciné-concerts au programme, on propose une incursion chez des musiciens ouïghours, rencontrés au fin fond du désert de Taklamakan, dans les montagnes du Karakoram.
«Les artistes voyageurs Francois R. Cambuzat et Gianna Greco ont ramené de cette aventure des images avec lesquelles ils engagent un dialogue. Le cœur de cette culture, retranscrit à l’aide d’ordinateurs et d’instruments électriques, est conjugué à une fureur rock électro pour donner naissance à une musique néo-chamanique ébouriffante!
Les contrées lointaines du Xinjiang et leurs habitants prennent vie à l’écran… Loin de tout normatif occidental, ce road-movie condense à la fois l’expérience du lieu, du dialogue et de la découverte. Ravivant par des images et des sons, la réalité musicale des ouïghours, la beauté des airs profondément lancinants du chant, du dotâr ou du ghijak trouvent ici un écho singulier auprès d’authentiques musiciens, cinéastes et anthropologues.»
Souvenirs de Xinjiang, Taklamakan & Karakoram
Ciné-concert avec Francois R. Cambuzat et Gianna Greco
Théâtre Plaza / 2 novembre, à 20h
Une annulation
L’un des concerts les plus attendus de cette 24e édition du FMA, l’hommage à Cheikha Rimitti, «La Mamie du Raï» est cependant annulé. «La chanteuse Cheikha Rabia nous a informé qu’elle est dans l’incapacité de faire son voyage à Montréal en raison de problèmes de santé», explique monsieur Ollivier.
« Tout ce qui est à moi est à toi…»
Dans le cadre du Salon de la culture du FMA, on organise une rencontre sur la question de l’appropriation culturelle, avec, entre autres, les conférenciers : Jean-Philippe Uzel (professeur d’histoire de l’art à l’UQAM), Ethel Groffier (juriste, essayiste) et Gaby Hsab (professeur et doyen de la Faculté de Communication à l’UQAM).
On y abordera des sujets brûlants d’actualité: «Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi. Mais jusqu’où se placer en suivant cet adage? De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque sa culture? Et celle des autres?… Les cultures sont sans cesse en interactions. Elles se rencontrent, se nourrissent, s’interrogent… Où se trouve la limite de ma culture ? Et celle de mon prochain ? Et qui décide de ces frontières? Qui peut s’en prétendre le gardien?… Les cultures… sont-elles innées, ou s’acquièrent-elles? Faire partie d’une culture, est-ce un privilège inaccessible à ceux qui y sont extérieurs?»
«Appartiens-moi», appropriation artistique ou appropriation culturelle?
Animation: Paloma Martinez
UQAM, pavillon J.-A.- DeSève, local DS-R340 / 30 octobre, à 18h. / Gratuit
Spectacle de clôture
Enfin, le spectacle de clôture, réunissant des artistes d’Irak, de Hongrie, d’Espagne, d’Algérie de France et du Québec, est une autre création du FMA.
«Quand deux cultures se murmurent: Appartiens-moi» fera résonner la thématique de cette 24e édition avec Omar Bashir, oudiste, Carlos Piñana, guitariste, ainsi que le musicien et conteur algérien, Sidi Bémol.
À leurs côtés, la chanteuse flamenco Ana Mochón, le danseur Cristobal Muñoz, ainsi que Miguel Angel Orengo, joueur de cajón (instrument de percussion), convient le public à un conte musical à la fois chanté et dansé.
Roots of Flamenco / Création FMA 2023
Avec : Omar Bashir (oud), Carlos Piñana (guitare), Sidi Bémol (conte)
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts / 11 novembre à 20h
Le Festival du Monde Arabe se poursuit du 28 octobre au 11 novembre : Programmation