Que ce soit sur une thématique des voyages de Jules Verne, sur l’évolution de la musique, sur la vie de Nelson Mandela, ou même sur le cirque, les sociétés françaises ont toujours su se démarquer à Montréal. Brézac, féerie, Jacques Couturier, toutes distinguées, sans oublier la plus décorée : Étienne-Lacroix (maintenant Lacroix-Ruggieri). Force est d’admettre qu’on s’était ennuyé de voir les représentants de l’Hexagone, absents du concours depuis 2017, et on se réjouit d’accueillir une dixième firme différente que nous pourrons découvrir samedi soir à Montréal : ArtEventia !
Un petit mot sur le spectacle canadien de samedi dernier qui a franchement ravi la foule, avec raison. Assurément, la firme albertaine Fireworks Spectaculars Canada devrait se trouver une place sur le podium. Mais laquelle ? La perfection n’existant pas, certains segments se sont étirés, plusieurs angles et mises à feu ont failli, et malheureusement la fumée poussée vers le public et, par conséquent, aussi vers le jury, a diminué les couleurs et parfois dissimulé des bombes qui auraient été magnifiques dans leur pleine splendeur. Avec un arsenal imposant, le spectacle a été grandement apprécié et le public a nourri de ses applaudissements les artificiers canadiens, vraiment très fiers à la fin de leur prestation. Nous pouvons nous aussi être très fiers de nos représentants, on n’a vraiment pas fait pitié et le Canada devrait se distinguer. Voici quelques photos :
Revenons maintenant à ce dernier concurrent de la saison : ArtEventia de la France. Toute jeune, cette société à été fondée en 2013 par Édouard Grégoire et Pierre Legrand qui ont tout deux œuvré pendant plusieurs années au sein d’autres firmes pyrotechniques, que ce soit chez Fêtes et Feux, puis chez Lacroix-Ruggieri, avant de faire le grand saut. Le fils de Pierre, Gabriel, à quant à lui travaillé en Italie (Parente) et en Australie (Howard & Sons) et de retour en France, il a bien sûr voulu rejoindre ArtEventia. Pierre devant se retirer, santé oblige, c’est tout naturellement que le fils a repris le flambeau. Depuis l’arrivée de Gabriel, ArtEventia s’est lancée à la conquête des concours et, honnêtement, elle se distingue depuis. Elle a gagné en Pologne, en Belgique, au Vietnam, et le vainqueur de ce dernier étant réinvité l’année suivante, elle a en juin dernier, remporté le Most Creative Show Award parmi les huit participants !
Crépusculaire : adj. Du crépuscule
En ajoutant une apostrophe au titre du spectacle, le concepteur principal Édouard Grégoire (bien qu’il travaille main dans la main avec son associé Gabriel Legrand) a voulu ici faire un jeu de mots. Crépuscul’Airs, c’est en fait Les Airs du Crépuscule. Le spectacle se déroulera donc, au figuré, du coucher du soleil (crépuscule de nuit) jusqu’à l’aurore (crépuscule du matin). Il explique : « J’avais déjà envie de faire ce thème. Qu’est-ce qui définit l’humanité quand la nuit tombe ? Comment elle réagit par rapport aux rencontres, par rapport à ses rêves de conquêtes ou d’amour ? La nuit, on a l’impression que tout est décuplé, on peut se permettre des choses qu’on ne se permettrait absolument pas de jour ! Et je me disais c’est quand même assez fascinant de se dire que pour tirer un feu d’artifice, il faut attendre la nuit ! »
Un spectacle en 3 actes
Ces 3 actes seront séparés par les deux segments laser qui meubleront les chansons Rachel’s song et Sea of simulation. Deux narrations poétiques de 45 secondes chacune – au début et à la fin – viendront prendre le spectateur par la main. « Essentiellement le propos c’est de dire qu’on est capable de tous se rassembler beaucoup plus facilement autour de certains événements ou autour de la nuit et de s’aimer et d’avancer ensemble. Ainsi, le premier acte est dirigé vers le nous collectif, le 2e vers notre envie de conquête, ne serait-ce que lorsqu’on lève les yeux au ciel… de jour on n’a pas cette perception de l’espace, mais de nuit, les étoiles apparaissent et là on se dit Qu’est-ce qu’il y a aux confins ? Et si on allait voir ? Et la 3e partie est plus tournée autour de l’amour avec ses joies et avec ses peines. » C’est bien joli tout ça !
Une musique bien réfléchie
Il explique aussi que les chansons ont toute une symbolique, que chacune prolonge la précédente et amène à la suivante. « Je passe beaucoup de temps sur le choix et sur la rythmique propre à chaque morceau, et comment je vais pouvoir les travailler. Pour moi, la durée est primordiale; c’est pour ça qu’il y a beaucoup de morceaux. Chaque pièce dure entre 2 minutes et 2 minutes 45, donc suffisamment longue pour installer l’émotion et suffisamment courte pour ne pas créer de lassitude. » Il y a passé tout l’automne. On se promène de l’épique, à la pop, à l’électro, mais le tout reste très fluide et grandement atmosphérique. Quant à la dernière, One moment in time de Whitney Houston, elle a deux raisons d’être. Tout d’abord, au niveau très personnel, car Gabriel et lui se sont toujours dit qu’ils feraient Montréal au moins une fois, mais qui sait, peut-être pas deux… et c’est aussi un clin d’œil à ce qui se passe en France en moment, puisqu’elle a été écrite pour les Jeux Olympiques d’été de Séoul en 1988 !
Céline et Les Cowboys Fringants
Essaient-ils de nous amadouer avec Céline et Les Cowboys dans la trame sonore ? Il rit « J’essaie systématiquement quand je vais quelque part d’acheter les spectateurs ! Non sérieusement, quand j’ai fait la sélection musicale, il [Karl Tremblay] est décédé à ce moment-là et j’ai vu l’engouement qu’il y avait pour lui, Les Étoiles Filantes était dans tous les reportages en France, et cette mélodie m’a interpellé. Je me suis dit ça serait déjà un bel hommage de l’utiliser, mais surtout ce morceau rentrait parfaitement dans la thématique, alors je n’ai pas hésité en fait. Je sais qu’académiquement, c’est plutôt tourné vers le partage de ce qu’on va faire avec l’autre, on se rencontre et on vit quelque chose à deux, mais en même temps c’était aussi faire la liaison avec le fait d’être ensemble [Acte 1] et de partir voir ce qui se passe plus haut [Acte 2] ». Et pour Céline, il a choisi une pièce qui n’est pas nécessairement parmi les plus connues, les plus classiques, mais qui présente de belles orchestrations, et puis il aime Céline, voilà tout !
Une conception technique impressionnante
Du côté technique, mis à part les produits chinois à travers son importateur français Prévot, les fournisseurs sont italiens : San Pio, Parente, Panzera et il n’y aura pratiquement pas de gâteaux qui généralement sont source de fumée. Aussi, 80 bombes de gros calibre, dont 18 du diamètre maximal permis. affectueusement appelée « les 12 pouces », ou si vous préférez « les 300mm ». Les artifices seront dispersés sur 98 positions (!) et représentent le plus grand nombre de mises à feu de la saison, soit 5500 (dont environ 3000 monocoups) ! Évidemment, les 5 rampes de lancement sont mises à profit… et plus ! Les rampes d’accès au quai seront utilisées, et on a ajouté 2 plateformes élévatrices à ciseaux de 20 mètres – une à gauche, une à droite – et pourquoi pas une nacelle au milieu à 40 mètres d’où on pourra voir exploser les structures circulaires représentées ici-bas. Mais on ne le répétera jamais assez, plus la complexité augmente, plus on donne de chance à la technique de faillir. C’est aussi la première fois en 38 ans à Montréal que l’équipe de La Ronde expérimente le système de tir italien Pyromac. Ne reste qu’à croiser les doigts !
Bonne chance aux cousins !
Je le disais plus haut, l’Or en Pologne, l’Or en Belgique, l’Or au Vietnam, on doit assurément rêver de l’Or à Montréal ? « Évidemment qu’on rêve de l’Or à Montréal, pour beaucoup c’est un rêve de venir à Montréal. Je sais que Gabriel depuis qu’il est tout petit, a ce rêve en tête de venir ici, son frère Emmanuel aussi, enfin toute l’équipe est absolument ravie d’être ici ! Pour moi aussi, j’avais commencé à construire une petite vie à Montréal qui a un peu avorté, mais j’ai plein d’amis qui viennent samedi, j’ai gardé de très bons liens, de très bons souvenirs, donc je suis extrêmement ému d’être ici pour présenter ce spectacle ».
Ça semble bien tout ça, non ? Venez voir cette représentation unique samedi soir, à 22 heures. « Je pense que ça va être bien, j’ai voulu que ce soit poétique, j’ai voulu que chacun puisse s’approprier le spectacle à sa façon, et je pense qu’on va réussir à vous surprendre. À notre manière. Sans être présomptueux, je crois, enfin musicalement en tous cas, que ça peut être très intéressant à vivre ». Il termine en riant « On est les cousins ! Ça serait bien de partager ce moment tous ensemble ! ». Et si vous ne pouvez y être, il sera en direct sur le web ici à 22:00 EDT
Trame sonore de Crépuscul’Airs de ArtEventia de la France :
L’International des Feux Loto-Québec