Maintes ovations ont salué la prestation des danseurs au Ballet National du Canada à l’occasion de leur première semaine de programmation sous l’enseigne du ballet Giselle. En effet, Orphée Vivant du chorégraphe Robert Binet et Chaconne de George Balanchine prennent l’affiche dès le 15 novembre avant le début de la célébration annuelle du Casse-Noisette torontois prévu le 12 décembre puisque Noël approche!
Pour résumer la soirée du 9 novembre en ses éclats, le danseur Piotr Stanczyk a dansé un spectaculaire Hilarion, jaloux et défiant devant les prétentions princières voulant lui ôter sa dulcinée paysanne, ensuite la Reine des défenderesses de l’au-delà (des Wilis) la première danseuse Heather Ogden anima impitoyablement son rôle avec la fermeté des harpies inflexibles (elle avait dansé l’avant-veille en soirée le rôle-titre de Gisèle). Enfin, dans le rôle-titre, Greta Hodgkinson a fait montre de sa splendide maîtrise technique sur pointes campant parfaitement le rôle de la jeune bernée au pardon facile, soutenue par un Guillaume Côté quasi Hercule Farnèse en Albrecht exécutant ses figures de danse impeccables.
Tout s’active essentiellement au deuxième acte qui est le seul qui compte véritablement sur le plan de la danse puisque le premier exige plutôt des dons d’expression théâtrale ou dramatique allant de la pâmoison à la folie en passant par l’extase ou l’ébahissement béat propre aux âmes juvéniles. Certainement, de très jeunes danseurs emporteraient bien davantage le public à se laisser enjôler de la naïveté de cet amour de conte de fée. Mais je me suis étonné, encore une fois, de constater combien la maîtrise technique est un paratonnerre des plus sûrs contre les orages dévastateurs du temps sur les physionomies des danseurs étoiles.
En effet, la belle maturité virile de Guillaume Côté avec sa prestance de père de famille moins léger qu’autrefois n’accréditerait pas sa bévue infidèle plus propre à être excusée à un gringalet impulsif de haut parage et il en va de même de la dulcinée au premier acte. Mais au second acte, l’extraordinaire maîtrise technique, surtout l’exactitude de la révolution aérienne constante, l’atterrissage parfait des sauts et entrechats tout autant que les emportements de tendresse, je souligne ces lignes parfaites des mains, des bras, de la tête dessinées par Hodgkinson portée à bout de bras au Ciel du monde amoureux en cette puissance envoûtante digne d’un Atlas! Quel séduisant Guillaume Côté lui-même toute cette magie du second acte, oeuvre sûre de Greta Hodgkinson, en somme, une constellation étalée en voiles de ballet blanc nous faisant oublier ces réserves d’extrême rigueur qui font de moi un impertinent pointilleux.
En liminaire de présentation du ballet, le directeur artistique adjoint, Christopher Stowell, faisait remarquer avec un humour désopilant, que l’histoire de Gisèle se déroule un peu comme au théâtre classique français et sa règle des trois unités en l’espace d’une journée. Le lieu unique est plus ou moins la lisière de la forêt puis les profondeurs de celle-ci, au pied du Royaume des Morts comme s’il était parsemé de pierres tombales. Il comporte une action toute simple. Combien le corps de ballet doit encore suer des exigences techniques de leurs figures symétriques, j’imagine que seuls des fouets russes pourront jamais en venir à bout sans tolérer la moindre lamentation! Mais ce retour à Toronto, après vingt-cinq ans, m’a réjoui et animé d’un désir de tout y revoir, tout y soupeser, tout y admirer. En attente d’ubiquité, mille éloges à toute la compagnie!






























































