Meurtres sous un ciel de glace, le 3e roman d’une série de cinq (dont deux encore inédits en traduction) des enquêtes de Thumps DreadfulWater vient d’être publié aux éditions Alire en version française. L’auteur Thomas King a su créer ces romans policiers, dont chaque tome est indépendant, autour d’un personnage très coloré et attachant, ainsi qu’une panoplie de personnages (blancs et amérindiens) originaux qui reviennent dans chacune des aventures. La force de ce roman réside dans la répartie des personnages, les dialogues mordants, parfois ironiques, souvent truculents et empreints d’humour.
Résumé : Bien que le printemps tarde à s’installer sur la ville de Chinook et que le froid s’accroche, Thumps DreadfulWater se considère presque heureux, car il a un nouveau but dans la vie : acquérir la cuisinière à six brûleurs qu’il reluque chaque jour dans la vitrine du magasin Chinook Appliances. Mais une demande du shérif Hockney vient chambouler son bonheur tranquille. Thumps a beau sortir tous ses arguments – tu as déjà quatre adjoints, je suis plus que rouillé, etc. –, Hockney persiste et signe : DreadfulWater doit accepter d’être, pour un temps, shérif par intérim de la ville… et il le plonge aussitôt dans l’enquête en cours !
James Lester, le fondateur d’Orion Technologies, une compagnie qui teste une technique révolutionnaire de mesure et de cartographie des nappes aquifères, a été trouvé mort… deux fois : d’abord dans une voiture à l’aéroport, puis dans une chambre de motel. Or, pendant qu’ils cherchent à comprendre pourquoi le cadavre a été déplacé, c’est au tour de Margot Knight, l’associée de Lester, de perdre la vie. Pour Thumps, si les patrons d’Orion ont été tués, c’est qu’ils ont découvert quelque chose de précieux. Mais quoi ? C’est ce qu’il compte bien trouver, d’autant plus que Hockney a promis de lui offrir la fameuse cuisinière à six brûleurs s’il résout l’enquête.
Je ne suis pas une grande adepte des polars normalement, mais je dois dire que j’ai bien aimé aller à la découverte de ce nouvel auteur pour moi, Thomas King. Bien que je n’aie pas lu les enquêtes précédentes, j’ai tout de suite eu une réelle sympathie pour ce personnage des plus colorés de Thumps DreadfulWater et un coup de cœur pour le style d’écriture de Thomas King. Avec de la désinvolture, des descriptions empreintes d’un humour savoureux, des dialogues truculents, avec des répliques jouissives, que j’ai eu plaisir à lire et relire, je me suis délecté de cette plume, beaucoup plus que de l’enquête en elle-même.
Il est intéressant de voir que l’intrigue tourne autour d’enjeux environnementaux réels et plausibles qui préoccupent les gens des réserves. Ainsi, il est question de l’exploitation de l’eau douce. Il y a également des enjeux politiques tels que le droit de propriété sur d’autres richesses découvertes sur la réserve et convoitées par les Blancs qui ne respectent pas les traités et les conventions. Tout cela est bien pertinent et terre-à-terre. Mais pour moi, ces meurtres, ces cadavres retrouvés et cette enquête pour trouver les coupables m’importent peu. Ce qui me plait vraiment dans ce roman ce sont les relations qu’entretient Thumps avec les autres personnages. C’est le quotidien de Thumps qui me plait le plus. Comment il interagit avec Claire, son amante, alors que sa santé est en danger ? Comment lui-même apprend à vivre avec son diagnostic de diabète ? Et sa relation avec le shérif Hockney, comment elle évolue, alors que ce dernier tente de le faire agir à titre de shérif par intérim, pour l’aider dans son enquête ? C’est cela qui me passionne le plus.
Voici un exemple du ton du livre avec des descriptions qui me font bien rire : « Selon l’agente de bord, c’était un jambon-fromage sur pain français. Tatum n’était jamais en France, et il était raisonnablement sûr que le pain n’y avait jamais mis les pieds non plus. Une feuille de laitue aurait été la bienvenue. Et une tranche de tomate, peut-être. On n’avait pas songé à mettre de la moutarde ou du ketchup pour donner du relief à la chose ou en rehausser le goût. »
Voici un exemple de dialogues :
«- J’aurais meilleure mine si on me préparait à manger.
– Tu n’as qu’à te marier..
-C’est cher payé pour un repas.
-À qui le dis-tu… »
Et un autre extrait :
«- Depuis combien de temps couchez-vous ensemble, Redding et toi ?
-C’est une question ou une supposition ?
-Un peu des deux
-Au nom de quoi faudrait-il que je te réponde?
-Tu viens de le faire je pense… »
Bien que l’enquête se boucle à la fin du volume, on entrevoit déjà les prémisses d’un prochain tome qui pourrait s’avérer fort intéressant.
Thomas King est un romancier, nouvelliste, scénariste et photographe maintes fois primé. Parmi la longue liste de ses best-sellers salués par la critique, notons Une brève histoire des Indiens au Canada, La Femme tombée du ciel (prix du Gouverneur général), L’Indien malcommode : un portrait inattendu des Autochtones (prix RBC Taylor) et la série de romans policiers mettant en vedette Thumps DreadfulWater. Thomas King a été nommé membre de l’Ordre du Canada en 2004 et promu compagnon de ce dernier en 2020, en plus de se voir décerner un National Aboriginal Achievement Award en 2003. Titulaire d’un doctorat en études américaines de l’Université de l’Utah, Thomas King réside au Canada depuis 1980, où il a œuvré à titre de professeur d’anglais à l’Université de Guelph, en Ontario.
Tomes précédents :
Meurtres avec vues, Éditions Alire, 2021
Les Meurtres du Red Power, Éditions Alire, 2021
Genre : Polar
Prix : 27.95$
Nombre de pages : 414 pages
Éditions Alire : https://www.alire.com/