Que se passe-t-il durant les 65 minutes de Numain où le comédien et danseur Stéphane Crête est sur scène, seul avec sa poupée ? Sans dire un mot, notre homme arrive à exprimer, avec son inerte complice, des états d’âme qui habitent sans doute tous les amoureux du monde, à un moment ou un autre. Émotion, rire, embarras… tout y passe ! Un coup de maître !
Un homme seul et déterminé à tromper sa solitude ouvre une boîte rectangulaire, où se trouve les pièces d’une poupée qu’il assemblera devant nous. Cette étape traînait d’ailleurs un peu en longueur, en ce lundi soir de première au théâtre La Chapelle. Après avoir palpé un sein, le soupirant un peu mal à l’aise devant la nudité de sa «partenaire» l’habille légèrement. Il s’assoit à côté d’elle et se rapproche progressivement pour enfin lui toucher une main. Devant l’absence de réaction de la jolie blonde, l’homme tente le tout pour le tout. Il y va d’un strip-tease qui déclenche des cascades de rires, au son de Love me, please love me de Michel Polnareff, un chanteur qui s’est aussi intéressé à une poupée, l’un de ses grands succès étant La poupée qui fait non.
Avec un humour qui passe par des gestes, appuyés de musique, on vit donc la fébrilité des premiers moments de l’amour, puis les non-dits, les frustrations et la colère. L’homme ira jusqu’à mordre la poupée, ce qu’il n’aurait vraisemblablement pas fait avec une véritable comédienne. On comprend maintenant ce que le comédien voulait dire, en expliquant qu’il croyait pouvoir parler plus facilement d’humanité en travaillant avec une représentation d’un être humain, plutôt qu’avec un véritable humain. On ressent la lourde solitude de ce personnage aux désirs inassouvis. Bref, c’est un voyage en profondeur chez un humain à la recherche d’amour et tout cela avec une remarquable économie de moyens. Efficace et original.
Numains
Conception, mise en scène et interprétation : Stéphane Crête
Conception marionnettiste : Marcelle Hudon
- Bande sonore : Éric Forget
À La Chapelle, jusqu’au 11 octobre
