Raté de Hugo Meunier, quand rater sa mort donne vie à l’espoir d’une deuxième chance. Génial!
Les deux premiers romans de Hugo Meunier, Le patron et Olivia Vendetta font partie de mes grands coups de cœur littéraire. Son troisième opus, Raté, toujours aux éditions Stanké, frappe encore un grand coup dans mon organe vital, avec ce récit qui traite de deuil, de suicide, de tétraplégie, de relations familiales, avec comme thème central la perte. Pour accompagner ce roman, l’auteur a même créé une liste de chansons qui fait écho à ce thème.
Résumé : Comment reprendre le cours de sa vie après avoir tenté de se l’enlever ? C’est le défi qui attend Christian, qui a raté son suicide et qui retourne chez lui après avoir été plongé plusieurs mois dans le coma. Mais réapprendre à vivre n’est pas la plus haute montagne qu’il aura à gravir. Il devra surtout réparer sa relation avec son fils adolescent, Robin, qui ne pardonne pas à son père d’avoir voulu l’abandonner. Accueilli comme un survivant, voire un miraculé, par ses proches, Christian, qui conserve de graves séquelles, devra essayer de regagner une certaine autonomie, en plus de composer avec un fils révolté et une ex qui se retrouve malgré elle dans un rôle d’aidante naturelle.
Bien que ses trois romans traitent de sujets complètement différents, la plume d’Hugo Meunier demeure la même, aiguisée, vive, audacieuse, incisive qui y va à fond dans la profondeur humaine. Ces romans font réfléchir tout en nous divertissant. Également, en plus de divertir nos yeux et notre imaginaire, il attise notre ouïe en ajoutant des références de paroles de chansons, à chaque petit chapitre, pour faire écho à son récit. Et pour ceux que ça intéresse, il est possible de lire le roman en s’accompagnant de la musique qu’il propose, en allant sur ce lien : https://www.qub.ca/musique/liste-de-lecture/le-livre-rate-d-hugo-meunier-en-chansons-145364
Ce que j’aime beaucoup dans ses romans aussi, c’est que l’auteur se documente énormément sur les sujets qu’il traite, tout en ajoutant des références en lien avec l’actualité. Grâce à sa précision, son souci du détail et de réalisme, l’auteur nous met dans la peau d’un homme dépressif, aux instincts suicidaires, mais aussi dans le carcan d’un homme tétraplégique, aux idées suicidaires. C’est dur à encaisser, mais c’est tellement empreint d’humanité et de profondeur que ça en vaut la peine de s’y plonger.
Extrait : «Les handicapés qui survivent à une tentative de s’enlever la vie doivent composer avec un double tabou : infirme et suicidaire. Christian voit bien que l’infirmière fuit son regard lorsqu’elle vient changer ses solutés, ses pansements ou prendre une prise de sang. C’est encore pire avec les préposées aux bénéficiaires qui ne cachent pas leur déplaisir à l’idée de torcher un homme qui a tenté d’en finir. Une tâche ingrate qu’elles n’auraient pas à accomplir si le patient de la chambre 2662 n’avait pas loupé son coup… Incapable de faire quoi que ce soit, Christian habite quelque part dans un coin de sa tête. Pas dans la partie des souvenirs heureux, qu’il refuse de revisiter, ni dans celle du moment présent, à feu et à sang. Non, plutôt quelque part entre les deux, en transit, où il a l’impression de se noyer, puis de remonter à l’occasion à la surface juste pour prendre la bouffée d’air suffisante pour retourner au fond de l’eau. Il ne sent plus rien, sauf les larmes qui coulent sans arrêt sous ses yeux bouffis. Il crie parfois de longues minutes, jusqu’à épuisement. Le personnel soignant ferme alors doucement la porte de sa chambre en faisant fi des insultes habituelles, pour la rouvrir seulement lorsque Christian replonge dans le sommeil, dans le confort relatif de l’inconscient. »
Il y a aussi toutes les informations pertinentes et bouleversantes qu’on apprend sur les soins à prodiguer aux grands handicapés. Il y a tout un paragraphe qui explique la façon de procéder pour les selles à expulser et nettoyer. Ce processus est fascinant et on a un énorme respect pour les préposés qui sont assignés à l’effectuer. L’auteur nous renseigne également sur l’aide médicale à mourir et comment en faire la demande. On comprend vite que l’état dépressif du personnage principal est un obstacle majeur pour obtenir une réponse positive.
Comme il l’a fait dans ses autres romans, l’auteur alterne entre le présent et le passé, pour nous faire découvrir ce qui se cache derrière chaque personnage, le lien qui les unit et comment ils en sont arrivés à cet horrible présent. On voit autant le point de vue de Christian que celui de son épouse Marilyn que son fils Robin et l’évolution de leurs relations.
Finalement, l’auteur insère dans son roman, à divers moments, des chapitres (écrits en italiques), qui sont des moments imaginés dans la vie et le destin de personnes célèbres qui sont décédées. Par exemple, on a un texte sur la conjointe de Hitler, Éva Braun, dont on sait qu’elle est décédée avec son époux, avec une capsule d’acide cyanhydrique, alors qu’il se tuait d’une balle de pistolet. Et si sa sœur avait réussi à convaincre Éva de ne pas adhérer à ce double suicide ? Ces petites escapades dans l’imaginaire sont parfois déroutantes, souvent intéressantes, mais on en cherche le lien avec le roman aussi parfois. Cependant tout s’éclaire lorsque l’auteur nous surprend avec un revirement de situation et un dénouement dont je n’ai absolument pas vu venir. (Naturellement, je n’en dirai pas plus).
Après la lecture de ce petit bijou de roman, je me suis repassé l’histoire au complet dans ma tête, à la lueur des nouvelles informations qui a complètement changé ma vision de ce qui nous a été raconté et qui m’a permis de faire des liens et surtout des réflexions sur la vie, la mort, l’aide médicale à mourir, les étapes du deuil, la perte surtout et comment celle-ci, si on l’accepte, peut générer de l’espoir pour une vie meilleure… peut-être.
Diplômé en littérature, Hugo Meunier a été journaliste à La Presse pendant une dizaine d’années, puis directeur productions et contenus numériques chez Québecor Média. Il est actuellement reporter pour URBANIA. Après avoir publié quelques essais, dont Walmart – Journal d’un associé (Lux), il a fait paraître à l’automne 2019 son premier roman, Le Patron, chez Stanké, puis Olivia Vendetta en 2021. Raté est son troisième roman.
Hugo Meunier sera en dédicaces au Salon du livre de Montréal, au Palais des congrès, au kiosque 301, les 25-26 et 27 novembre prochain.
Comme Hugo Meunier est actuellement reporter pour URBANIA, si vous êtes comme moi, accro à sa plume, son style d’écriture, je vous suggère d’aller sur le site d’URBANIA pour lire ses reportages : https://urbania.ca/auteurs/hugomeunier
Prix : 29.95$
Nombre de pages : 343 pages
Date de parution : 26 octobre 2022
Liste de lecture des chansons: Le livre «Raté» d’Hugo Meunier en chansons : https://www.qub.ca/musique/liste-de-lecture/le-livre-rate-d-hugo-meunier-en-chansons-145364
Éditions Stanké : https://editionsstanke.groupelivre.com/
Mon appréciation des autres romans de l’auteur : Olivia Vendetta : https://lesartsze.com/olivia-vendetta-un-roman-audacieux-a-faire-fremir-mon-coup-de-coeur-de-lete/
Voici mon appréciation de son premier roman : https://lesartsze.com/le-patron-par-hugo-meunier-audacieux-un-humour-unique/