La salle Wilfrid-Pelletier présentait en première Les Belles-Sœurs symphonique, une relecture musicale grandiose de la pièce emblématique de Michel Tremblay. Adaptée avec ambition et finesse, cette version symphonique m’a émue du début à la fin. Sur scène, 14 chanteuses d’exception, réunies sous la direction de la cheffe Dina Gilbert, accompagnées de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, ont fait vibrer l’œuvre avec une intensité rare.
La mise en scène, signée Lorraine Pintal, allie sobriété et puissance dramatique. Le texte, revisité par René Richard Cyr, trouve une nouvelle résonance dans les musiques de Daniel Bélanger, magnifiquement orchestrées par Simon Leclerc. Résultat : une fresque musicale ancrée dans l’ADN québécois, à la fois profondément rattachée à son époque et résolument actuelle.
La soirée s’est ouverte sur une note de pure émotion avec Nathan Loignon, jeune pianiste de 19 ans porteur du spectre de l’autisme. Avec déjà plus de 40 compositions à son actif, il a livré une prestation tout en délicatesse, marquant les esprits dès les premières minutes.
Puis, en maître de cérémonie, Simon Boulerice a su installer le ton : chaleureux, généreux, juste. Avec humour et tendresse, il a présenté l’univers de Tremblay avant l’entrée en scène de l’orchestre et du chœur féminin.
Marie-Denise Pelletier, dans le rôle de Germaine Lauzon, campe à merveille cette femme ordinaire à qui la chance sourit… avant que n’éclate l’éventail des tensions et des solidarités féminines. Autour d’elle gravitent des voix marquantes : Renée Wilkin (la pétillante Rose), Joe Bocan (la réservée Gabrielle), Luce Dufault (la rebelle Pierrette), toutes livrant leur vérité avec puissance.
La distribution brille aussi par la présence de Natalie Choquette, hilarante en Lisette snob et condescendante, Marie-Michèle Desrosiers en Marie-Ange, Kathleen Fortin en Des-Neiges, Catherine Major accompagnant une Louise Latraverse (Olivine) plus en retrait, mais forte en gestes. Mention spéciale à Dorothée Berryman en Yvette, la campagnarde haute en couleur. Le trio Lulu Hughes, Judy Richards et Laetitia Isambert-Denis complète brillamment cette galerie féminine, avec Lunou Zucchini dans le rôle de Lise, la fille de Germaine.
Chacune apporte sa couleur, sa douleur, sa lumière. Ensemble, elles incarnent la complexité, la diversité et la richesse des femmes du Québec d’hier… et d’aujourd’hui. À travers elles, c’est tout un pan de notre mémoire collective qui se déploie. Un miroir fidèle de ce que nous sommes, de ce que nous avons été, et des voix qui nous ont forgés.

Plus qu’un spectacle, Les Belles-Sœurs symphonique est une œuvre forte, un hommage assumé aux femmes et à la parole populaire. C’est aussi un hommage à Tremblay, à son génie d’avoir capté si justement l’essence du Québec. Grâce à une distribution hors pair, une direction musicale sans faille et les costumes évocateurs de Marie-Chantale Vaillancourt, le spectacle atteint des sommets d’émotion.
Un concert marquant, qui place la barre très haut. Les Belles-Sœurs symphonique ne se contente pas de revisiter une œuvre culte : il l’élève. Un incontournable de la saison culturelle.
Photos : Sébastien Jetté
Toutes les photos de Sébastien Jetté.
Jusqu’au 2 août à la salle Wilfrid-Pelletier puis au Grand théâtre de Québec – détails ici.































































