Les meurtres d’obsidienne, le 5e polar d’une série de six (dont le dernier tome paraîtra en 2024 en traduction) des enquêtes de Thumps DreadfulWater vient d’être publié aux éditions Alire en version française. Alors que chaque tome de cette série, créée par l’auteur Thomas King, aborde généralement un enjeu politique ou environnemental dans ses enquêtes, ce cinquième tome s’attarde plus aux enjeux psychologiques auxquels est confronté Thumps DreadfulWater.
Bien que chaque tome contienne une enquête indépendante, la force et l’originalité de cette série résident dans sa riche galerie de personnages qui reviennent dans chaque nouvelle aventure. L’humour sarcastique des dialogues et le répartie des personnages au quotidien demeurent mes moments favoris de chaque roman.
Résumé : Déterminé à en finir avec les assassinats dans lesquels il a perdu son amoureuse Anna et la fille de celle-ci, Thumps DreadfulWater retourne sur le littoral du nord de la Californie, là où tout s’est joué. Or, une mauvaise surprise l’y attend : Ron Peat, son patron de l’époque – et avec qui Thumps comptait rediscuter des Meurtres d’obsidienne –, est mort d’un bête accident. Tout ce qu’il a laissé, c’est une maison en piètre état… et quelques boîtes de documents identifiées du nom de DreadfulWater !
De retour à Chinook, pris entre le shérif Hockney, qui se cherche un remplaçant, et l’équipe de cinéma qui souhaite tirer un film des Meurtres d’obsidienne, Thumps tente, avec Leon Ranger, un ancien collègue de Californie, d’établir des liens entre les documents de Peat et le dossier que Nina Maslow, la productrice de téléréalité, lui avait remis avant d’être tuée.
Mais voilà qu’un élément change la donne : à la suite d’une entrée par effraction, un fragment d’obsidienne – identique à ceux trouvés dans la bouche des victimes des meurtres de l’époque – a été mystérieusement déposé sur la table d’autopsie de la morgue de Chinook. Et Thumps de se demander : et si le tueur, las d’être traqué, était venu pour lui régler son compte une bonne fois pour toute ?
Depuis le début de la série, il y a toujours, en arrière-plan, des références aux meurtres d’obsidienne, où Thumps a perdu son amoureuse Anna ainsi que la fille de celle-ci, l’incitant à quitter la Californie et à prendre sa retraite de la police, pour s’installer dans la tranquillité des montagnes du Montana, dans la petite ville de Chinook. Pour en finir avec ses démons du passé, Thumps est déterminé à mettre fin à cette enquête qui a été maintes fois abandonnée, pour lui permettre de passer à autre chose et refaire sa vie.
Même si je n’ai pas lu les 2 premiers tomes, je me suis délectée de l’humour et des personnages colorés dans les deux précédents romans, si bien que j’avais hâte de retrouver Thumps DreadfulWater et ses comparses dans cette cinquième aventure. Bien que ce soit un polar rempli de rebondissements, l’enquête de ce roman ne semble être qu’un prétexte pour aborder les enjeux psychologiques de cet ancien policier. Il est en pleine remise en question de sa vie.
Sa relation avec Claire se complexifie depuis qu’elle parle d’élever un enfant, avec ou sans lui. Également, sa chatte l’a définitivement quitté pour une autre famille, le laissant croire qu’il n’est pas le compagnon de vie le plus facile à vivre. Son corps continue de lui rappeler qu’il joue avec sa santé en ne prenant pas soin de lui.
Et il se questionne sur son envie profonde de vengeance et de justice face à son passé, versus choisir plutôt de mettre derrière lui ce passé, pour vivre simplement sa vie. Je crois que c’est mon roman favori jusqu’à présent, puisque je préfère la psychologie des personnages plutôt que de résoudre des enquêtes.
Donc, tout est sujet à distraction dans ce polar. Le quotidien des gens de la petite ville de Chinook est des plus intéressants pour moi. Comme l’illustration de la page couverture le démontre, les voitures sont à l’honneur dans cette histoire. Il s’agit de la foire de l’automobile, une fête des voitures antiques qui bat son plein en ville et qui permet à l’auteur de nous en mettre plein la vue avec ses modèles d’autos de luxe des années 50.
Je n’y connais rien en voiture, mais les férus de bolides seront ravis. Pour ma part, c’est surtout la répartie des personnages et leur excentricité qui me font bien rigoler. J’ai aimé retrouver par exemple Beth, la médecin et amie qui traite Thumps pour son diabète. J’adore les dialogues entre ces deux êtres qui s’aiment bien et se veulent du bien.
Voici un extrait pour donner une idée du ton :
«-Tu as un faible taux de globules rouges.
Beth s’arrêta pour boire une gorgée de thé.
-L’anémie est parfois héréditaire. Elle peut aussi être causée par de mauvaises habitudes alimentaires. Les ulcères, une trop grande consommation d’aspirines et les menstruations comptent aussi au nombre des causes possibles.
Thumps attendit.
-Il y a aussi l’anémie falciforme, la maladie rénale et le diabète.
-Je suis diabétique.
-Oui, fit Beth. Mais je ne suis pas certaine que le diabète soit la cause de ton anémie. D’où la nécessité de consulter un spécialiste.
-Et si je faisais plus attention à ce que je mange et qu’on voyait où ça nous mène ?
-Et si tu écoutais ton médecin ?
-Helena, c’est loin.
-Dit l’homme qui vient de faire un aller-retour en Californie…»
Il y a plusieurs autres personnages et endroits que j’ai adoré retrouver également, dont chez Al, où Thumps prend régulièrement son déjeuner, en compagnie de ses comparses, où encore dans le bureau du Sherif Duke, qui tente toujours de sortir Thumps de sa retraite et son nouveau métier de photographe pour qu’il le remplace comme Sherif.
Bref, j’adore cet univers que Thomas King nous décrit toujours avec beaucoup d’humour, de légèreté et de sarcasme. Il aime ses personnages et il nous le transmet si bien qu’on ne peut que s’attacher à eux, au point de nous intéresser plus à leur quotidien qu’au dénouement de l’enquête en cours.
J’ai bien hâte de lire le dernier tome de cette série, probablement l’an prochain, même si cela risque d’être la dernière fois que je vais côtoyer ces personnages et que je devrai leur dire adieu par la suite.
Thomas King est un romancier, nouvelliste, scénariste et photographe maintes fois primé. Parmi la longue liste de ses best-sellers salués par la critique, notons Une brève histoire des Indiens au Canada, La Femme tombée du ciel (prix du Gouverneur général), L’Indien malcommode : un portrait inattendu des Autochtones (prix RBC Taylor) et la série de romans policiers mettant en vedette Thumps DreadfulWater. Thomas King a été nommé membre de l’Ordre du Canada en 2004 et promu compagnon de ce dernier en 2020, en plus de se voir décerner un National Aboriginal Achievement Award en 2003. Titulaire d’un doctorat en études américaines de l’Université de l’Utah, Thomas King réside au Canada depuis 1980, où il a œuvré à titre de professeur d’anglais à l’Université de Guelph, en Ontario.
Illustration : François Vaillancourt
Traduction : Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Genre : Polar
Tomes précédents :
Meurtres avec vues, Éditions Alire, 2021
Les Meurtres du Red Power, Éditions Alire, 2021
Meurtres avec malveillance (A Matter of Malice,). Octobre 2022
DreadfulWater -4
Date de parution : 8 septembre 2023
Prix : 29,95 $
Nombre de pages : 384 pages
Éditions Alire : https://www.alire.com/
Mon appréciation des tomes précédents : https://lesartsze.com/meurtres-avec-malveillance-thomas-king/