Dès qu’il a posé le pied sur la scène du Théâtre Maisonneuve en cette fin des Francos de Montréal 2023, le lumineux Richard Séguin a fait entrer avec lui la magie. À 71 ans, l’homme impressionne par cette sveltesse caractéristique de la jeunesse, par cette grise crinière abondante et par une vitalité et une aisance dans les mouvements.
Et si l’artiste brise la glace de ce dernier spectacle de la tournée Traverser les saisons commencée en septembre 2022, avec la chanson Rester debout, c’est qu’il a bien traversé le temps; plus de 40 ans de carrière en paroles, en musique et en performances. Des grandes chansons classiques comme Sous les cheminées, Double vie, Journée d’Amérique demeurent des joyaux de notre culture québécoise et nous habitent en ver d’oreille. Sa voix est puissante et limpide, son univers attachant.
Décontracté sur scène, entouré de ses trois musiciens, les guitaristes Raphaël D’Amours, Simon Godin qui joueront étonnamment assis, et le batteur Alexis Martin, les chansons ne sont pas livrées en vain, chacune porte un message qu’il rappelle à notre mémoire. Si Roadie est un hommage aux travailleurs de l’ombre, Pleure à ma place se réfère à ce membre de sa famille qui reçoit toutes les confidences tandis qu’avec Au bord du temps, il s’adresse à sa petite fille de 10 ans, mystifiée devant les migrants.
Il laisse aussi la place à ces musiciens d’exception qui parleront avec bagou et humour des origines de la guitare hawaienne et du banjo, instruments qui servent allègrement aux nouveaux arrangements ! Puis, il partage avec nous, l’histoire de la création du Sentier poétique: son idée a fait du chemin dans le petit village de Saint-Venant-de-Paquette, dans les Cantons-de-l’Est, qu’il habite depuis des décennies.
L’humour, la simplicité, la douceur, la gratitude sont au rendez-vous. La fragile Un peu de poésie d’Hélène Dorion, la triste Puisque de Marc Chabot, Petit hymne au grand rang de Hugo Latulippe qu’il chantera a cappella et L’ange vagabond dont le thème est l’exode des Canadiens-Français et Jack Kerouac – On the road again, on the road again – sont autant d’oeuvres qui nous font vibrer profondément. De son album Les liens les lieux, le titre Chemins forestiers témoigne aussi de la richesse de notre territoire et des préoccupations écologiques de cet incontournable troubadour.
Richard Séguin a ce talent de nous ramener à l’essentiel comme humains, aussi refait-il avec finesse ce chemin vers nos racines, la famille, la forêt, le sapin, le village, le vrai. Ce retour organique est d’un grand réconfort. On souhaite du même élan qu’il ne mette pas un autre 5 ans à reprendre la tournée.