Lors de la première de Le timide à la cour, de Tirso de Molina, l’électricité était palpable dans l’air du hall. Cette mise en scène d’Alexandre Fecteau était attendue. Après celle-ci, le hall s’est animé des discussions d’une bonne partie du public, resté pour discuter. Le théâtre semble, ici, avoir rempli sa fonction de rassembler, d’inspirer et d’amuser le public. La beauté et le plaisir de jouer des acteurs de la Banquette arrière est contagieux et a charmé le public. Mission accomplie !
Il y a quelques brises de contemporanéité dans cette relecture du classique de Tirso de Molina, mais cette mise en scène s’inscrit clairement dans une démarche classique. Questionné en entrevue, d’ailleurs, M. Fecteau nous a partagé qu’il ne trouvait pas opportun de le traiter autrement.
Dans la signature de cette mise en scène, on sent le regard de l’héritage français du metteur en scène dans son traitement de l’œuvre. De plus, le travail nous est proposé avec beaucoup d’élégance et d’attention aux détails.
Le jeu de Sophie Cadieux est extraordinaire ! Les choix esthétiques et stylistiques de son jeu physique expriment à merveille le sous-texte de son personnage et les conflits qui résident entre les désirs de son corps qui lutte contre les obligations imposées par sa raison, son statut. Sa proposition de jeu corporel a permis de contraster et de texturer ce texte classique, qu’elle ne nous a pas servi dans une rengaine déclamative. Personnellement, c’est le genre de travail d’interprétation que j’aimerais voir davantage sur scène, d’autant plus pour les œuvres classiques.
Il demeure, néanmoins, des bémols et des propositions inachevées.
Par exemple, la scénographique proposée est fantastique, sobre, élégante et identifie clairement les changements de lieux. Ce qui m’a laissée sur ma faim c’est l’interaction du jeu des acteurs avec celle-ci qui pu être utilisée et intégrée davantage à l’action du jeu des acteurs. Son plein potentiel reste à explorer.
Sans en dévoiler trop sur la pièce, car il faut la voir !, je suis restée aussi sur ma faim quant à l’exploitation des mécanismes du théâtre dans le théâtre.
Ce qui m’a plu énormément, c’est le traitement des mécanismes comiques. Ceux-ci sont prévisibles, mais comme ils sont bien maîtrisés de la part des acteurs, on rit et la satisfaction et le plaisir ne sont pas au niveau de la surprise, mais de comment ils nous seront servis par les acteurs. Cette finesse dans le traitement de la comédie relève d’une grande maturité artistique.
Une autre de mes réserves se situe quant à l’approche minimaliste de la mise en scène, qui a semblée parfois suggérer des demi-propositions, qui, à mon avis, auraient pu être approfondies et explorées davantage. Je me questionne encore sur ce choix pour le type de pièce choisie.
La raison ?
Le timide à la cour, écrite durant le Siècle d’Or Espagnol, provient d’un héritage théâtral exubérant et d’une époque marquée de conquêtes, dont le texte touffu et copieux fait preuve.
C’est toutefois une pièce idéale pour une soirée rafraîchissante.
Le Timide à la cour de Tirso de Molina
Mise en scène : Alexandre Fecteau
Distribution : Sophie Cadieux, Kim Despatis, Sébastion Dodge, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Roger La Rue, Anne-Marie Levasseur, Lise Martin, Éric Paulhus et Simon Rousseau.
Concepteurs : Olivier Landreville, Marc Sénécal, André Rioux, Éric Forget, Adèle Saint-Amand, Dominique Cuerrier.
Une coproduction du Théâtre Denise-Pelletier et du Théâtre de la Banquette arrière.
Du 28 septembre au 22 octobre 2016.
Salle Denise-Pelletier du Théâtre Denise-Pelletier, 4353, rue Ste-Catherine Est, Montréal.
Billeterie : 514 253-8974
www.denise-pelletier.qc.ca
www.admission.com