Ce congé de l’Action de grâce est en fait la dernière journée pour profiter des meilleurs clichés de la plus prestigieuse compétition professionnelle de photographie, le World Press Photo (WPP), présentés au Marché Bonsecours du Vieux-Montréal. Il s’agit aussi de la première journée de l’exposition à la Pulperie de Chicoutimi. Elle y sera jusqu’au 10 novembre.
Un processus complexe
Depuis 1955, le concours célèbre chaque année les exemples de photojournalisme les plus éloquents, les plus instructifs et les plus inspirés du monde entier. L’événement présente les talentueux lauréats de l’année selon quatre catégories : image unique, séries (4-10 photos), projets à long terme (24-30 photos) et format libre. La sélection est complexe. 3851 photographes issus de 130 pays auront soumis près de 61 000 images avant le 12 janvier 2024. En plus des jurys régionaux représentant 6 grandes régions du monde qui procèdent à une sélection initiale, un jury mondial raffinera cette dernière. De plus, un groupe d’analystes scientifiques indépendants passent aussi en revue les images, afin de s’assurer qu’elles respectent les règles strictes de World Press Photo en matière de manipulation de l’image. 784 photos ont d’ailleurs été exclues cette année lors de cette étape. Finalement, le jury mondial élira un projet gagnant par région. Six mentions honorables et deux mentions spéciales seront aussi attribuées. Les gagnants, qui sont révélés en primeur à l’ouverture du WPP à Amsterdam au Pays-Bas, constitue la première étape d’une tournée dans plus de 70 sites à travers le monde, dont Montréal, et Chicoutimi. Toute la liste est ici.
Découvrir l’autre sans risque
Il serait surprenant que vos sources de nouvelles quotidiennes vous aient appris toutes les situations qui sont évoquées par les reportages primés cette année. Ainsi, visiter le World Press Photo, c’est aussi une façon de voyager à travers les yeux des photographes, de prendre conscience de ce que vit autrui. Les images ne sont ni sanglantes, ni horrifiantes au premier coup d’œil – plutôt bizarrement très esthétiques malgré leur sens profond – mais quand on s’y arrête, elles sont toutes très chargées et peuvent donc être difficiles pour certaines âmes sensibles ou trop empathiques. Il est primordial de lire les légendes pour en comprendre toute l’essence. Et dans l’ordre : le photographe y est d’abord présenté et les vignettes numérotées affichent l’ordre de lecture, ce qui aide à la bonne compréhension des séries. Oui, c’est beaucoup de lecture. Il est donc important de savoir que l’entrée est valide pour toute la journée. Il est possible de sortir s’aérer l’esprit dans le contraste enchanteur qu’offrent les décors du Vieux Port afin d’y revenir plus tard, les idées plus claires, moyennant une étampe au poignet.
Un québécois parmi les lauréats
Pour la 2e fois seulement de son histoire, le concours récompense un québécois. Il y a 25 ans Roger Lemoyne avait été reconnu pour un cliché des funérailles d’un Albanais tué pendant la guerre du Kosovo. Cette année, l’honneur revient au photographe Charles-Frédérick Ouellet, originaire de Chicoutimi, avec une photo prise lors des feux de forêt qui ont ravagé la province l’été dernier. On y voir le pompier auxiliaire Théo Dagnaud qui scrute l’horizon, entouré de ce qu’il reste de troncs d’arbres.
« Cette image résonne comme un long silence, loin du monde des êtres humains. Elle évoque ce moment où l’on prend conscience que nous faisons partie intégrante de l’écosystème, que notre survie dépend de notre compréhension de la nature », a commenté Charles-Frédérick Ouellet dans un communiqué.
En plus de la photographie récipiendaire dans la catégorie Image unique – Amérique du Nord, plusieurs œuvres du québécois tirées de cette série d’incendies sont exposées au 2e étage du Marché Bonsecours.
Nous retrouvons aussi à cet étage les photos finalistes au prix Antoine-Désilets, qui souligne l’excellence du travail de photographes de presse oeuvrant dans les médias du Québec. De plus, La Presse offre un dossier numérique soulignant la capacité qu’ont les images d’évoquer des émotions intenses. Une dizaine d’entres elles sont représentées à travers certaines images marquantes publiées dans le quotidien durant la dernière année. Finalement, une section du 2e étage rend hommage à Félix Renaud, photographe bien connu dans la communauté artistique décédé subitement en février dernier à l’âge de 36 ans. Sa courte carrière aura pourtant laissé sur son passage, un héritage d’influences et d’images marquantes, nourrissant la mémoire et l’imaginaire collectif.
S’ouvrir l’esprit sur le monde
Le World Press Photo est assurément un arrêt qui vaut le détour. L’exposition s’adresse à tous, peu importe l’âge, le milieu; il est important de s’instruire sur les enjeux cruciaux que vivent certains peuples; le ravage sur l’environnement causé par l’industrie pétrolière au Vénézuela, comment certains villageois autochtones du Bengladesh essaient de réduire l’impact de l’importante érosion de leur terre par le fleuve Brahmapoutre, et bien sûr, l’extrême souffrance des civils touchés par le conflit entre Israël et le Hamas. Bref, la liste est longue….