En 2016, Charles Aznavour était de passage à Montréal. Le journaliste Jean Beaunoyer, mon compagnon décédé le 9 février 2018 et co-éditeur de Les ArtsZé, avait fait une entrevue avec lui que je reproduis ici.
À l’occasion de sa tournée américaine et de sa venue au Québec, les 21 octobre à Montréal et le 23 octobre à Québec, Charles Aznavour a bien voulu répondre aux questions du journaliste Jean Beaunoyer sur ses projets, ses pensées du moment, sur les femmes, sur son inspiration, sur la solitude, sur l’amitié, et sur quelques faits de sociétés.
Jean Beaunoyer : M. Aznavour, vous qui avez traversé toutes les modes et toutes les époques, allez-vous traverser votre centenaire?
Charles Aznavour : J’espère bien. Le projet d’un concert pour fêter mes 100 ans est très excitant et je suis déjà en train de penser à quelques idées pour faire de ce concert un moment unique !
Jean Beaunoyer : Les femmes ont inspiré la plupart de vos chansons, est-ce qu’elles vous manquent? Est-ce difficile d’écrire sans être inspiré de la passion amoureuse?
Charles Aznavour : Mes chansons sont un mélange d’observation de faits de société, d’imagination et d’expérience personnelles. Ce n’est pas difficile pour moi d’écrire sur d’autres sujets que la passion amoureuse. Il me faut toujours chercher de nouveaux sujets pour avoir l’inspiration, avec une vision différente et nouvelle, et de trouver les mots justes.
Jean Beaunoyer : Avez-vous l’impression de vivre une autre vie que celle de votre quotidien sur scène?
Charles Aznavour : Oui, sur scène je suis le personnage de mes chansons pour raconter à mon public des histoires, lui donner des émotions et l’emmener en voyage pendant presque 2 heures en espérant qu’il appréciera. De plus, je suis arrivé à un moment de ma carrière où pendant mes concerts, je communique beaucoup plus avec le public, ce que je ne faisais pas avant. Je me sens libre et je peux parler à 10 000 personnes de la même façon qu’une conversation en tête à tête.
Jean Beaunoyer : Pour qui chantez-vous aujourd’hui?
Charles Aznavour : Pour le public ! Sans le public, un artiste n’est rien ! J’ai un réel amour et un grand respect pour mon public. Je suis très chanceux d’avoir de nouveaux fans qui viennent grandir les rangs des plus fidèles. Depuis le début, j’ai toujours eu un rapport extraordinaire avec le public canadien et revenir à Montréal et dans la ville de Québec est un vrai bonheur.
Jean Beaunoyer : Avez-vous déjà été trahi dans vos amitiés? Comment aborderiez-vous cette situation?
Charles Aznavour : Une trahison est toujours douloureuse mais il faut passer outre. Et souvent, elles m’ont inspiré des sujets de chansons. Dans mon tour de chant actuel, j’ai une chanson qui s’appelle « Mon ami, mon Judas » qui est inspirée d’expériences personnelles. Dans le passé j’ai aussi écrit « Un par un » et « Les faux »…
Jean Beaunoyer : Est-ce possible que vous soyez seul malgré tout?
Charles Aznavour : J’ai besoin d’être seul pour peaufiner une chanson, entouré par mes pensées et mes livres… Etre seul n’est pas un problème pour moi et je ne le suis jamais longtemps.
Jean Beaunoyer : Comment expliquez-vous que vous n’ayez jamais vécu de creux dans votre carrière?
Charles Aznavour : Cela m’a pris du temps pour avoir du succès mais une fois qu’il est arrivé, je pense qu’avec mes nombreuses activités, l’écriture des chansons, les concerts, les films, les livres que j’écris, j’ai réussi à surmonter les périodes qui auraient pu être des creux dans ma carrière.
Jean Beaunoyer : Est-ce que le terrorisme aujourd’hui vous fait penser à ce qu’a subi l’Arménie?
Charles Aznavour : Non, pas le terrorisme, mais ce qui se passe pour les Chrétiens au Moyen-Orient. Il est dramatique de voir qu’ils sont persécutés et massacrés comme les Arméniens en 1915. Heureusement que certains peuvent s’échapper et être accueillis par les pays Chrétiens…
Jean Beaunoyer : Pensez-vous que les jeunes veulent vraiment apprendre de leurs aînés?
Charles Aznavour : La jeunesse a toujours été rebelle avec le même syndrome: ne pas écouter et apprendre de leurs aînés.
Jean Beaunoyer : Auriez-vous aimé vivre ce que sera le futur de l’humanité ?
Charles Aznavour : J’ai toujours été d’un tempérament curieux. Tout ce qui se passe dans le monde m’intéresse. Je lis beaucoup de livres, de journaux, je regarde les JT à la télé, les documentaires. J’adore rester informé et découvrir sans cesse de nouvelles choses. Alors oui, j’aimerai beaucoup vivre le futur ! D’ailleurs qui vous dit que je le vivrai pas ?