L’oeuvre de Fauré que le quatuor éponyme offrait à son programme du dimanche 17 mars du Ladies Morning Musical Club était ce qui m’avait intrigué ou amené à ce récital, car le compositeur français est un de ceux qui s’adressent aux plus raffinés parmi les musiciens, ceux capables des plus fines nuances.
S’arroger le nom de Gabriel Fauré, en plus, et faire dix fois le tour du monde en 25 ans… en cette qualité fauréenne devait donc être prometteur puisque c’est également la quatrième fois qu’on les invite à Montréal dans le cadre de la célébrissime série musicale plus que centenaire. Il était cependant permis d’y voir rouge avec un brin d’humour puisque la violoniste Erika Geldsetzer portait des souliers rouges comme ceux de la Duchesse de Guermantes dans le célèbre tome d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust.
Le violoncelliste Konstantin Heidrich portait, quant à lui, de saisissants bas rouges puis un mouchoir rouge s’affichait à la poche de la veste de l’altiste Sascha Frömbling. Pour ce qui est du pianiste Dirk Mommertz qui complétait le quatuor, j’ai remarqué qu’après tant d’échauffements du pied droit avec la pédale du piano au couvercle largement ouvert, ce devait sans doute être la profonde du piano qui tournait au rouge. Ça c’est un peu moins drôle cependant.
Premièrement, la taille de la salle Pollack aurait pu exiger un couvercle abaissé, deuxièmement un peu de restreinte musculature de la part du pianiste qui a enterré ses comparses trop souvent de ses envolées aurait été bienvenu (on était aux antipodes de la finesse de jeu de Lambert Orkis accompagnant Anne-Sophie Mutter l’avant-veille et encore plus loin de la sublime interprétation donnée de l’opus 15 de Fauré par le pianiste Nathanaël Gouin, l’altiste Hélène Desaint, le violoniste Kerson Leong et la violoncelliste Astrig Siranossian à la salle Bourgie, mardi 22 janvier dernier).
La Phantasy de Bridge fut, par contre, une entrée intéressante en matière musicale, trop peu jouée de nos jours. Malgré tout, j’insiste. Dans l’ensemble, la persistante tonitruance de l’ensemble dans le Quatuor pour cordes et piano de Johannes Brahms opus 28 (même excepté le nécessaire Rondo alla zingarese marqué évidemment Presto!) ne m’a pas convaincu de rougir de mon impression mitigée face à cet ensemble qui s’époumone sans relâche: chacun joue comme s’il était seul sans dialoguer avec finesse et retenue ou délicatesse avec les autres, chose plus qu’évidente dans tous les mouvements de l’oeuvre de Fauré au programme.
Qu’y avait-il pour faire baisser cette fièvre? Encore moins le rappel tapageur (plein de fausses notes et de pathétiques maladresses du pianiste -pas parvenu au bout de ses peines- se donnant forcément ici toujours la large part des décibels) de cette adaptation que je qualifierais d’importune ou bancale des Portes de Kiev, un des culminants Tableaux pour une Exposition de Modeste Moussorgsky. Jouer vite et fort comporte certes ses avantages et le grand Arthur Rubinstein l’a fort bien résumé dans sa biographie des années soixante-dix disant que lorsque mal pris, il décidait de jouer encore plus vite et encore plus fort, ce qui amène toujours des hourras et des bravos à l’emporte-pièce, expliquait-il. Le paroxysme est un moment sublime à véhiculer avec parcimonie.