Un événement rare, ce mercredi soir (3 août), à Montréal ! Diane Dufresne, la seule artiste du Québec à avoir rempli le stade olympique, il y a près de 40 ans, était de retour sur les lieux. En fait, la diva était au coeur du spectacle d’ouverture officielle de Fierté Montréal sur l’Esplanade du Parc olympique. À juste titre, on a présenté cette grande artiste comme un personnage légendaire ! Puis, la Dufresne est passée comme une comète éblouissant la foule de ses trainées lumineuses. Trop court ! Il faut dire qu’on n’en n’a jamais assez de Diane !
Magie rose
Statuesque, la dame de 77 ans ouvre le bal avec une version de La Vie en rose, en partie opératique ! Puissantes vocalises ! Très en voix la Diane ! On lui hurle bravo ! On t’aime ! «Moi aussi, je vous aime», répond-t-elle avec toujours la même spontanéité depuis tant d’années ! «La fierté, c’est d’avoir du panache!», lance Diane.
Ce classique de Piaf, Dufresne l’interprète avec sa gracieuse folie d’aujourd’hui et on remercie le ciel de ce clin d’oeil à l’un des numéros marquants du spectacle Magie rose, au Stade olympique, en 1984. Qui aurait pu prévoir qu’en 2022, Diane et son public seraient de retour sur les lieux, réunis par cette même chanson, comme une déclaration d’amour renouvelée ?
Le retour de Scott Price
En plus du bonheur évident qu’elle a à retrouver le public, il y a aussi la joie de renouer avec le chef d’orchestre Scott Price avec qui elle a travaillé bien avant Céline Dion.
Price et ses musiciens livrent d’ailleurs une version de rêve de la dansante et lascive Comme un damné, l’une des meilleures pièces du plus récent album de D.D. Ça groove comme sur le disque ! Ça sonne un peu comme du Bashung.
Sans crier gare, la septuagénaire y chante son désir pour un homme ! «Tu dis que le bonheur a de jolies fesses qui se moquent éperdument de la tendresse, mon ange… T’es beau mec / Comme un damné T’es beau».
On est bien loin, ici , des chansons qui cherchent à dicter leur conduite aux hommes comme la sempiternelle Si j’étais un homme (D. Tell) et tant d’autres rengaines accusatrices envers les méchants mâles.
Comme d’habitude, Dufresne s’exprime librement sans chercher à jouer les victimes. Elle le faisait déjà au début de sa carrière avec l’érotique Rock pour un gars d’bicyc‘.
Mais, qu’elle ose le faire aujourd’hui démontre avec éloquence son indéfectible intégrité, devant les dictats féministes qui confondent volontiers la masculinité et la toxicité.
Diane, elle, aime les hommes et elle ose le chanter. N’est-ce pas rarissime aujourd’hui ?
Oxygène
La dame revisite ensuite son grand classique Oxygène dans un nouvel arrangement où sa voix est légèrement robotisée. Environnement sonore étincelant réimaginé par Price !
Le texte aussi est modifié. L’habituelle «J’allume mon climatiseur» devient «J’allume mon ordinateur». Bien sûr, le cellulaire fait maintenant partie des «accessoires obligatoires».
Les spectateurs s’enthousiasment devant cette cure de jeunesse de l’indémodable Oxygène de Luc Plamondon et Germain Gauthier. De son côté, Diane, toujours exigeante, s’auto-critique sur scène, mais le public, lui, en redemande !
«La beauté du monde, c’est vous!»
Ce sera, alors, l’icônique Hymne à la beauté du monde. «Si vous la connaissez, ça me ferait très plaisir que vous la chantiez avec moi.» Alors que tant d’autres ordonnent à leurs admirateurs de chanter avec eux, Diane, elle, ne cherche pas à dicter sa conduite au public. Elle ne fait pas la morale ! Elle ne tente pas de récupérer les discours politiques à la mode. Elle chante ! Elle irradie ! Elle brille et nous nourrit de sa lumière ! Merci, madame Dufresne !
Évidemment, même avec des sanglots dans la voix, les spectateurs s’exécutent ! «Ne tuons pas la beauté du monde…» Ces mots et cette mélodie touchent des cordes particulièrement sensibles en ces temps incertains. Des larmes coulent sur les joues. Des mains se tendent vers cet être plus grand que nature, comme si on voulait la retenir, comme si on craignait d’être un jour privé de sa lumineuse présence.
Après avoir souhaité une très belle semaine aux festivaliers, elle conclut : «La beauté du monde, c’est vous!» Puis, elle quitte. On la réclame : «Diane ! Diane ! Diane !» Rien à faire !
Cela dit, en quatre chansons, Dufresne a su mener son monde vers des sommets d’émotion avec sa voix, sa folie, sa chaleur !
Après plus de 50 ans de carrière, cette artiste demeure une rare symbiose entre l’intensité des monstres de la chanson française et l’énergie brute des bêtes de scène du rock. C’est pour ça qu’on l’aime tant !
Encore aujourd’hui, il est immense le feu qui brûle en elle ! On en est rassuré ! Sur le chemin du retour à la maison, après son spectacle d’hier soir, des spectateurs soulignaient que même un court moment en présence de D.D. a de quoi vous habiter pendant des années ! Pas de doutes à ce sujet !
Pierre Kwenders
En début de soirée, l’auteur-compositeur et DJ Pierre Kwenders a présenté ses chansons teintées de pop et de R&B. L’artiste montréalais né au Congo et qui s’exprime dans un excellent français a été accueilli très chaleureusement ! Vêtu d’une robe bleutée moulante et transparente, ainsi que de bottes vertes fluo, ce danseur infatigable a entraîné la foule dans ses élans de rumba congolaise. Arborant un collier blanc et un petit sac à main noir, il se déhanche sur Imparfait, Non Non Non, Kilimandjaro, etc., entouré de six danseurs.
Il rend notamment hommage à son compatriote Papa Wemba, célèbre auteur-compositeur décédé prématurément en 2016. Kwenders, de son vrai nom José Louis Modabi, a déjà une longue feuille de route marquée, entre autres, de collaborations avec Win Butler du groupe Arcade Fire.
L’Afro-Canadien chante et rappe en cinq langues. Plusieurs Montréalais semblaient le découvrir avec enthousiasme, hier soir. Alors merci à Fierté Montréal !
Armand Monroe : un pionnier honoré
Cette soirée d’ouverture de la 15e édition de Fierté Montréal aura permis de rendre hommage à Armand Monroe, un pionnier de l’affirmation des gais au Québec. En 1957, Monroe est animateur du Tropical Room, un bar de la rue Peel qui deviendra le premier établissement gai de la Belle Province. «La Monroe, écrit Michel Tremblay, entra sur la scène comme chez elle, sans se faire annoncer, très femme d’affaires, une main sur la hanche et l’autre triturant sa lèvre inférieure.3» ( La nuit des princes charmants, Montréal, Leméac Éditeur, 1995, p. 164.)
Né en 1935 dans une famille de 13 enfants, dans le quartier Saint-Henri à Montréal, Armand Larrivée aura révolutionné à sa façon le monde du divertissement dans les bars, à l’époque où l’homosexualité était considérée comme un crime. Avec sa personnalité flamboyante, il fut rapidement reconnu sous le nom de «la Monroe», en l’honneur de l’admiration qu’il porte à la belle Marilyn.
C’est le vétéran-militant gai John Banks qui a lui-même remis à Armand Monroe le Prix John-Banks décerné aux personnes qui ont contribué à l’avancement et à la reconnaissance des droits des communautés LGBTQ+