Au majestueux Théâtre Centaur situé au coeur du Vieux-Montréal enneigé et glissant hier soir, Ranee Lee, la reine des chanteuses de jazz montréalais, a mis ses tripes sur la table en créant son spectacle Dark Divas, rendant ainsi un digne hommage à 7 pionnières noires ayant laissé une empreinte indélébile sur la musique jazz, blues, bebop, R&B et marqué les esprits de plusieurs générations.
Devoir de mémoire s’il en est un, Joséphine Baker, Billie Holiday, Lena Horne, Pearl Bailey, Dinah Washington, Sarah Vaughan et Ella Fitzgerald ont ainsi repris du service grâce à ce programme riche en talents. Elles ont retrouvé pendant deux heures leur place inestimable dans l’histoire de la musique à travers la voix, le corps et l’âme de Madame Lee.
Dark
Car être femme, noire et chanteuse au 20e siècle n’aura pas été une sinécure. Le Dark des Divas ne fait pas qu’allusion à la peau noire de ces créatrices d’émotions vives. Dark, c’est aussi les ombres dans la vie de ces battantes. Car même si les mots féminisme et racisme existaient déjà dans les dictionnaires, c’est leur passion pour chanter qui ont fait d’elles et malgré elles, des précurseurs de mouvements sociaux essentiels.
Finesse et élégance
À 80 ans, que ce soit en chantant J’ai deux amours de Baker ou It takes two to tango de Bailey, finesse et élégance, tantôt de rouge, tantôt de fuschia, d’or et d’argent, dansante dans ses talons aiguilles, Ranee Lee vient à sa façon, transcender l’âgisme et confirmer que la sensualité non plus, n’a pas d’âge.
La magie vient non seulement de cette voix enveloppante qui vous triture le coeur, mais aussi de ce corps effervescent qui se tord devant la tristesse de If you could see me now que Vaughan interprétait et la joie de What a difference a day makes, de l’idole de Lee soit Dinah Washington.
À l’instar de ces divas du jazz, la musique et les mots prennent possession de l’artiste sur scène. Les yeux fermés pour aller chercher l’essentiel en profondeur comme dans ce medley composé de Tenderly, Body and Soul et The man I love de Fitzgerald. Mais joyeuse et légère comme dans Hello Dolly : l’abandon est une condition du jazz.
Il faut aussi écouter cette gagnante de prix Junos, faire ses scats sans hésitation dans Oh Lady be good : époustouflant. À titre d’encore, elle se lancera éperdument dans Yesterday when I was young, de mon idole à moi, Charles Aznavour … Hier encore.
Entourée d’une brigade de musiciens d’exception à la tête de laquelle le trompettiste de renom Ron Di Lauro, la combinaison et l’osmose seront parfaites. Et comme dans la tradition jazz, chaque musicien aura droit à son solo de gloire. Carlos Jimenez à la guitare, John Sodaway au piano, Dave Watts à la contre-basse, Guillaume Pilote, à la batterie, André Leroux au saxophone et Muhammad Abdul-Khabyyr au trombone.
Dark Divas, signée par la présence et la voix d’une vie aussi étoffée que celle de Ranee Lee, est un moment de grâce, une pause lounge, une méditation, le rappel de chapitres importants de l’histoire de l’humanité.
Dark Divas est de retour ce soir le 17 décembre au Théâtre Centaur à Montréal. Détails.
Les divas en photo.