Il y a cinq ans, le 9 décembre 2019, le Ladies Morning Musical Club recevait Benjamin Grosvenor qui accompagnait alors la violoniste Hyeyoon Park. Cette fois-ci, le pianiste Benjamin Grosvenor aura l’espace d’un récital à lui seul pour faire valoir son immense talent dans des œuvres splendides de Johannes Brahms, Robert Schumann et Modeste Mussorgsky.
Nos éloges de 2019
Nous avons souvent écouté Benjamin Grosvenor à l’OSM sous la direction de Kent Nagano interprétant des concertos divers et ses disques sur étiquette Decca sont des bijoux de poésie dont un intitulé Homages: il s’agit d’un chef-d’oeuvre absolu de touchante éloquence (Chaconne de Bach-Busoni et Prélude, Choral et Fugue de César Franck) et de renversante virtuosité (Venezia e Napoli de Franz Liszt).
Voici ce que nos pages offraient comme éloges en 2019: « La fulgurance qui a transporté la violoniste qui répondait à la volcanique puissance expressive de son accompagnateur dans la volumineuse sonate pour piano et violon en la majeur opus 47 dite à Kreutzer de Beethoven, celle-là n’a laissé aucun doute dans l’esprit de personne: d’un bout à l’autre des trois mouvements de l’œuvre, la stupéfaction face à ce degré de virtuosité, d’expressivité sensuelle et de fougue se conjuguant chez ces deux musiciens fort bien appareillés qui rappellent les beaux jours d’Arthur Grumiaux et de Claudio Arrau dans cette œuvre. » (voir l’article complet)
Un alléchant programme
Le récital de dimanche prochain commencera avec les trois Intermezzis opus 117 de Brahms dont le premier mi bémol majeur est d’intimité profonde, le second en ré bémol mineur est peut-être le plus bouleversant de ces miniatures de la fin de vie du compositeur.
Enfin, le dernier des trois en do dièse mineur empreint de cette fatalité inévitable des derniers jours du compositeur, gravement malade à Vienne, serviront de mise en bouche à de plus amples trésors de la musique pour piano. Les plus grands interprètes de ces intermezzis de Brahms me venant à la mémoire des plus justes matérialisations provinrent des doigts de Radu Lupu, d’Arcadi Volodos, de Svjatoslav Richter et de Håkon Austbø… quoique tout talent pianistique accompli puisse y faire montre de l’étendue de la profondeur de sa sensibilité.
La Fantaisie de Schumann, Édition Cortot
Voilà des lustres que nous n’entendons plus en récital ce grand chef-d’œuvre dédié à Franz Liszt et dont l’indication d’atmosphère souhaitée en haut de partition révèle ces mots rares; « Dans un constant sentiment d’interprétation passionnée et d’inspiration imaginative ». Alfred Cortot, dans sa brillante édition de cette quasi-sonate en trois mouvements pétris de pur amour musical pour Clara Wieck, insiste pour qu’on lise le quatrain de Schlegel inscrit en épigraphe:
« Parmi tous les sons de l’immense symphonie
Qui enchante le songe multiple de l’Univers,
Se distingue, pour celui qui écoute en lui-même,
Un chant ineffablement suave et doux. »
Lire la description de l’œuvre et les remarques de Cortot sont un préalable absolu pour tout interprète voulant communier aux sources de cette grandiose époque romantique.
Les Tableaux d’une Exposition de Mussorgsky
Avant les rappels qu’on supposera nombreux, le récital offrira enfin la grande diversité des dix tableaux savoureux du père de la musique russe, soit Modeste Mussorksky (paternité baptismale partagée avec Rimsky-Korsakov).
Voici les deux enregistrements et versions inégalées à ce jour avec lesquelles je jaugerai de ce que nous entendrons dimanche 10 novembre au Peterson Hall du Campus Loyola de l’Université Concordia: la version de Vladimir Horowitz (LSC-3278) sur étiquette RCA-Red Seal et, bien entendu, celle sur étiquette Columbia Odyssey (Y-32223) sous les doigts de Svjatoslav Richter au récital de Sofia du 25 février 1958. Souhaitons enfin que les pianos Steinway de monsieur Bolduc fassent l’effort de mécénat d’offrir l’usage de leur meilleur instrument à cet artiste valeureux, unique talent de sa génération.
Récital dimanche 10 novembre 2024 – 15h30
Salle Oscar Peterson, Campus Loyola, Université Concordia.
BRAHMS Trois Intermezzi, op. 117 (1892)
(1833-1897)
SCHUMANN Fantaisie en do majeur,
(1810-1856) op. 17 (1836)
MOUSSORGSKI Tableaux d’une Exposition (1874)
(1839-1881)
Crédit photo : Marco Borggreve