Annoncés sous le titre Jazz d’Inspiration Blues, deux artistes autrefois en vogue (éventuellement accompagnés de deux autres) ayant eu jadis un public considérable n’ont fait que demi-salle, jeudi le 26 septembre dernier, à la Salle Bourgie.
Le Country de Michael Jerome Browne
Commençant avec plusieurs minutes de retard, le musicien Michael Jerome Browne est apparu en solo avec son banjo pour offrir non pas du blues ou du jazz, mais trois puis quatre chansons de musique country, un assez lointain détour de ce qui avait été annoncé.
Suivi par un contrebassiste, Steven Barry et à la batterie par le percussionniste John McColgan, un temps mort le vit hésiter entre plusieurs guitares. Une certaine lassitude et déception risquait de commencer à se faire sentir car il était 18h34, de sorte qu’il ne restait en somme que 24 minutes à l’heure de musique annoncée entre 18h et 19h: mais voici qu’arriva la star du spectacle pour mettre comme il nous le dit, anodinement au public, en plein microphone « I’ll put a bit of chocolate on that cake »! C’était le sauveur, le plus connu de ce quatuor soit Harrison Kennedy lui-même, nous arrivant tout juste de Hamilton, Ontario.
Des mots d’amour pour le public montréalais?
Quelques phrases pour exprimer laconiquement, façon un certain love-in du Québec, en deux mots « J’aime Québec »… ce qui par chez nous ne signifierait que la seule capitale nationale, mais bon l’intention de plaire, en flattant, était là.
La voix de Harrison Kennedy, malgré un tout récent vinyle et des CD à profusion vendus à fort bon marché à l’issue du 5 à 7, semble devenue un peu mince avec le temps, admettons-le, mais la persévérance reste louable. Malgré tout après quelques succès Rythm and Blues et une adaptation assez moyenne, au fond assez faible en relief, du grand chef-d’œuvre Blowin in the Wind du Prix Nobel de Littérature Bob Dylan, le public conquis d’avance par d’anciennes réminiscences, accepta de vouloir continuer de s’enthousiasmer.
Récital éblouissant du pianiste George Li, Salle Oscar Peterson
Un immense interprète de très haut talent, le pianiste américain George Li, se maintenant vaillamment au sommet de son art, est venu enchanter le public de la plus vieille série de récitals au Canada, le Ladies Morning Musical Club.
Un programme d’époques et textures contrastées
En ce dimanche après-midi ensoleillé du plus pur automne, il interpréta tout d’abord les dix-huit (18) Danses de David (en allemand Davidsbündlertänze) opus 6 de Robert Schumann (1810-1856). George Li enchanta immédiatement l’auditoire comme ses doigts caressèrent les touches d’une absorption poétique inspirée.
Partout un cantabile somptueux à l’enseigne de chacune de ces danses notamment les deux seconds tableaux (du premier et du second groupe de neuf danses) indiqués d’une part Innig (Intérieurement) et d’autre part Einfach (Simplement).
Exploits digitaux et expressifs
Chacune des danses furent imprégnées de cette intimité sentimentale propre à la relation existant entre les tendres époux Clara et Robert Schumann, connivence à l’origine de la création de ces chefs-d’œuvre. George Li releva sans ambages les grandes difficultés techniques, digitales ou expressives, surmontées avec imagination et cette tendre sensibilité qui le distinguent de tous les autres pianistes. Notamment dans le cinquième avant-dernier emportement, marqué Wild und lustig (Sauvagement et gaiement) où l’indication Schneller und immer schneller und schneller (Toujours plus vite) devient follement exigeante.
Pure virtuosité, pure poésie
Partout on savoure le contraste entre cette pure virtuosité et l’expression de la pure poésie de chaque danse subséquente à la précédente, notamment la quatorzième marquée Zart und Singen soit Tendre et chantante.
Sans doute la plus sublime de toutes lesdites danses restera, pour moi, la quinzième marquée Frisch ou Con freschezza soit préconisée avec la fraîcheur du premier amour: un persistant envol d’euphorie voluptueuse détaillant ses justes suspenses de trilles, ses accentuations indiquées au cœur et au terme des phrases, chacune de dignes rappels des harpes éoliennes porteuses du vent d’amour.
Ravel et Stravinsky avant deux rappels
Après l’impressionniste collection des Valses nobles et sentimentales de Maurice Ravel (1875-1937) figurant sur son dernier album Warner Classics qui nous parviendra sous peu, survint une époustouflante interprétation marquante des épuisantes et contrastantes danses campées en Trois mouvements de Petrouchka d’Igor Stravinsky (1882-1971).
L’unisson de la foule à se soulever d’un bravo tonitruant jusqu’au Ciel de la salle convainquit George Li d’offrir au public deux rappels: la touchante méditation mélodique d’Orphée et Eurydice de Christoph von Glück, puis l’Étude d’exécution transcendante en la mineur parmi douze morceaux de bravoure et d’évocations, ouvrages de Franz Liszt.