La soirée Diane Dufresne sur rendez-vous, offerte en clôture de la 35e édition du Coup de cœur francophone vient marquer les annales de ce festival. L’icône habituée aux grandes scènes aura rarement été aussi près du public; près dans tous les sens du terme. La dame a décidé de raconter sa vie et sa carrière, en parsemant son récit de chansons accompagnées par le remarquable pianiste Olivier Godin. Audacieuse comme toujours, elle invite ses admirateurs à lui poser des questions sans filet. En retour, elle les questionne aussi. Compte-rendu d’un premier concert-causerie palpitant, une formule qui pourrait faire boule de neige.
Les rendez-vous de toute une vie
Ovationnée dès son entrée en scène, sa première chanson donne le ton : Il n’y a pas de hasard / Il n’y a que des rendez-vous. Ces rencontres qui changent le cours de la vie, Dufresne en a vécu plusieurs. Attirée par la scène dès son jeune âge, elle était inspirée par son père, bon chanteur et sa mère qui l’aidait à se maquiller pour aller voir des spectacles. Elle se souvient, entre autres, d’avoir assisté à une revue avec Olivier Guimond.
Plongée dans un profond chagrin lors du décès prématuré de sa mère, l’adolescente poursuit ses études et travaillera comme assistante-infirmière à l’hôpital Santa Cabrini. Ça ne l’empêchera pas de chanter, au point d’aller tenter sa chance en France, où elle sera l’élève de Jean Lumière qui fut une vedette internationale avant de devenir professeur de chant, entre autres, de Cora Vaucaire et Mireille Mathieu. «J’étais surprise et très honorée qu’il m’accepte comme élève!» En souvenir de cette époque, Diane chante a cappella un extrait des Moulins de mon coeur de Michel Legrand.
«Mon ami Luc Plamondon»
De retour à Montréal, elle se produit dans des cabarets où une certaine Clémence DesRochers l’invite à se joindre à son spectacle Les Girls qui partira en tournée au Québec. Jusque là, c’est surtout la chanson française qui intéresse Diane, mais le spectacle de Janis Joplin au Forum de Montréal en 1969 va tout changer ! Fini «la chanteuse straight» dont elle offre un extrait en poussant, comme dans le temps, la note finale très aigue. Cris de joie dans la salle !
Elle va alors chanter du rock en français et plus précisément en québécois. «C’était l’époque où l’on venait de jouer les Belles-Soeurs de Michel Tremblay et je voulais, mois aussi, des textes dans la langue d’ici. C’est ce que j’ai demandé à mon ami Luc Plamondon; oui, c’est toujours mon ami, même si nous avons pris des chemins différents.»
À une spectatrice qui lui demande pourquoi elle ne crie plus comme elle le faisait, par exemple, dans la chanson Le Parc Belmont, elle répond : «En fait, je criais pour vous ! Plusieurs femmes cherchaient leur place à cette époque et moi j’avais une énergie incroyable ! Ça me faisait du bien de crier ! Et ça ne plaisait pas à tout le monde.» Elle raconte que ça agaçait, entre autres, François Cousineau, qui lui a composé plusieurs succès dont J’ai rencontré l’homme de ma vie, un tube en France également.
Les cheveux roses
-«Et vous, pourquoi venez-vous voir mes spectacles depuis tant d’années?»
Un homme répond: «Je vous suis depuis 1974 ! J’ai vu tous vos shows ! Votre voix, les chansons que vous choisissez d’interpréter, votre folie douce m’habitent. Vous êtes toujours restée fidèle à vous-même ! Vous êtes un modèle pour moi !»
Une spectatrice renchérit : «Diane, tu as fait à ta tête! Tu as chanté dans ta langue Tu es toujours restée toi-même ! C’est le plus beau cadeau que tu pouvais faire aux Québécois!»
Un autre dira : «Pour le spectacle Magie rose, je m’étais fait teindre les cheveux en rose.» «Mais, où sont-ils passés (vos cheveux)?» réplique Diane sur un ton bon enfant à cet admirateur maintenant devenu presque chauve. Oui, elle se souvient d’avoir été très critiquée pour ce show démesuré. Blessée, elle aura été consolée par les témoignages enflammés de ceux qui étaient là et qui en parlent encore presque quarante ans plus tard.
«La création n’est pas un concours»
D’autres encore, la remercie de les avoir incités à se costumer pour aller voir ses spectacles. «Vous avez stimulé notre propre créativité!» Touchée, l’artiste répond que chacun porte en soi la capacité de créer. «La création n’est pas un concours», ajoute-t-elle, expliquant qu’il faut chercher en soi l’élan qui nous révèle à nous-même. Elle cite le Frère Jérôme, son professeur de peinture, qui disait qu’il faut peindre ce qu’on aime et non pas chercher à épater la galerie.
Pendant que la diva se raconte dans la bonne humeur, le pianiste Olivier Godin qu’elle qualifie de virtuose, ponctue le récit de mélodies. Quelques mesures de Claude Léveillée, André Gagnon, Barbara, etc, évoquent les époques racontées. Il y a même un peu de Bach, de Mozart et de Poulenc. Cela dit, il faudrait ajouter un peu de volume au micro de madame Dufresne quand elle parle, car on perd des mots, surtout lorsqu’il y a du piano.
Le temps de dire merci
Une admiratrice déclenche toute une vague d’applaudissements en déclarant : «Pour moi, Diane, tu es la plus grande chanteuse au monde !» Cette femme explique qu’en plus de la voix, l’intensité des interprétations, l’originalité des costumes et mises en scène de la chanteuse lui procurent des émotions d’une intensité exceptionnelle.
D’autres font remarquer que Dufresne a chanté Ne tuons pas la beauté du monde et d’autres chansons liées à l’environnement, bien des années avant que ce sujet ne devienne à la mode.
Enfin, cet hommage que l’artiste rend tout simplement à ceux qui l’on aidée et aimée, qu’il s’agisse d’André Gagnon, Luc Plamondon, Charles Aznavour, le Frère Jérôme, etc. émeut. Une spectatrice lance que ça lui donne envie de dire merci à son tour à ses alliés.
«Vous faites partie de ma vie»
Après une cinquantaine d’années de carrière, qui l’ont menée du Stade Olympique de Montréal à l’Olympia de Paris, Diane Dufresne avait hâte de faire ce spectacle au Gesù, une salle d’un peu plus de 400 places. Elle dit que lorsque les gens sont si près, c’est comme si elle les serrait dans ses bras. «Vous faites partie de ma vie !»
Ce concert-causerie fera-t-il l’objet d’une tournée ? Les deux représentations annoncées sont à guichets fermés. D’autres artistes seront-ils tentés par ce concept ? Chose certaine le public s’en est délecté, ce dimanche soir (14 novembre 2021), au Gesù et on en remercie le Coup de coeur francophone !
Parlez-moi d’amour
Hymne à la beauté du monde, Que, Partager les anges, Mais vivre, Parce que tu rêves, etc. et c’est déjà la fin. 90 minutes sont passées comme un éclair !
La mélodie de Parlez-moi d’amour est jouée au piano. Le public se montre enthousiaste. «Vous aimez ça ? Ben chantez là !», lance Dufresne en un éclat de rire. Et, bien sûr, elle donne le ton à cette déclaration d’amour mutuelle: «votre beau discours, mon coeur n’est pas las de l’entendre», avant de tirer sa révérence. Ovationnée de nouveau, elle ne reviendra pas sur scène, mais sa voix continue de résonner en nous, fascinés par son inépuisable audace qui l’amène à se raconter ainsi directement au public à 77 ans. On quitte la salle rassurés de l’avoir entendue nous chanter : «pourvu que toujours vous répétiez ces mots suprêmes, je vous aime!»
Diane Dufresne sur rendez-vous
Pianiste : Olivier Godin
Présenté à guichets fermés au Gesù, les 14 et 19 novembre 2021
Dans le cadre de Coup de coeur francophone