Coup de maître d’Emmanuel Schwartz, auteur et interprète de la pièce Le Partage, où un acteur et son double se livrent à une sorte de duel. Soirée de gala empesée, tournage tumultueux, jeux de pouvoir, etc., jusqu’où le protagoniste ira-t-il pour assouvir son besoin d’être reconnu, malgré sa tendance à l’auto-sabotage? Ce voyage intérieur à la fois personnel et universel se déroule dans un environnement visuel imaginatif et inquiétant, ce qui n’empêche pas l’humour de jaillir à travers l’autodérision.
Schwartz, l’auteur qui signait déjà un texte au Festival Fringe, en 2003, n’a cessé d’écrire depuis. Cette fois-ci, il présente le deuxième volet de sa Trilogie Essais, amorcée avec L’Exhibition en 2019. Le Partage est une réflexion sur les genres théâtraux de l’autobiographie et de l’auto-fiction. D’entrée de jeu, l’artiste donne aux spectateurs l’impression de partager des confidences parfois compromettantes pour une vedette soigneuse de son image.
Pourquoi a-t-il accepté de jouer dans un film de vampires qu’il trouve pourtant médiocre? Qui est-il devenu après tant d’années passées à faire semblant, en se fondant à l’image qu’on attend de lui? Ce Narcisse qui ressasse des souvenirs douloureux, donne à croire qu’il aperçoit son double à travers le mobilier urbain et il semble parfois hypnotisé par le son de sa propre voix.
Né de parents aimants auxquels il rend tendrement hommage, l’artiste est aussi reconnaissant envers la vie de pouvoir exercer un métier qui lui permet de briller. Pourtant, son mal de vivre est tenace! En colère contre lui-même, saura-t-il enfin résister à la dictature de sa toxicomanie?
Schwartz frôle l’apitoiement sur soi, mais il évite de s’y abîmer grâce, entre autres, à un texte rempli de rebondissements qu’il raconte avec limpidité. Entre autres, ses retrouvailles avec un metteur en scène de génie avec qui il s’était brouillé, sont à la fois drôles et teintées de cynisme! Cela dit, le drame guette… tant et si bien que l’acteur dépressif ira jusqu’à s’aventurer à pied dans le tunnel Ville-Marie!
Ce thriller existentiel est porté par l’excellent travail de conception vidéo de Transversal et VYV studio. En plus du texte et de l’interprétation, Schwartz signe la mise en scène, avec la collaboration d’Alice Ronfard. Enfin, la musique de Cédric Dind-Lavoie ajoute sa part de rythme et de mystère à ce spectacle à la mécanique déjà bien huilée, même si son créateur le qualifie d’«oeuvre en construction».
Le Partage
Emmanuel Schwartz: auteur, interprète et metteur en scène
Au Théâtre La Chapelle, jusqu’au 9 mai
Présenté en français | Représentations du 4-5 et 8 mai avec surtitres en anglais
*Photo d’accueil / crédit: David Ospina