L’Orchestre Symphonique de Montréal (OSM) sous le bâton de son neuvième directeur musical, Rafael Payare, rappelle avec brio, en cette seconde semaine de septembre, le 150e anniversaire de naissance du compositeur viennois Arnold Schoenberg (né le 13 septembre 1874 – mort le 13 juillet 1951). Ce génie innovateur fut le chef de file du laboratoire musical de la modernité viennoise.
Virage vers le répertoire allemand et viennois sous Payare
L’OSM effectue manifestement un virage de plus en plus accentué vers la musique allemande ou germanique, ce qui est adroit et rempli de renouveau, usité donc, depuis le temps où le regretté chef Franz-Paul Decker avait formé et dirigé l’ensemble à s’imprégner de ce répertoire (durant les années 70 de mon adolescence, une époque où ma vie de bohémien me permettait un des 100 billets de dernière heure à 5 dollars, une fois par semaine, ce qui m’a donné la piqûre – comme vous voyez- depuis lors incurable).
Partenariat des disques Pentatone et grand éclat à la Maison symphonique
Après des enregistrements récents d’œuvres de Gustav Malher et de Richard Strauss sur la valeureuse étiquette Pentatone, nous voici début septembre avec trois oeuvres de Schoenberg: une en salle soit tout d’abord la gigantesque Cantate dramatique (certains parlent d’oratorio) nommée Gurre-Lieder mobilisant plus de deux cents musiciens, choristes et solistes. Ensuite, l’OSM grave les deux oeuvres de jeunesse les plus accessibles de Schoenberg souvent endisquées, et nous les avons écoutées puis comparées en ses meilleures versions.
Nouvelle direction et volcanique énergie de reprendre primauté
Le concert inaugural de la 91e saison donna lieu à la succincte mais touchante présentation de la nouvelle Direction générale de l’ensemble, salle comble nourrie de tout le gratin musical montréalais puisqu’il ne se trouvait pas une direction d’organisme musical de stature qui n’était pas présente en nombre et force.
Avec sa sincère et dynamique voix, Mélanie La Couture, rescapée du 11 septembre 2001, nous a rappelé ce même jour historique comment elle fut épargnée à Manhattan des tours incendiées. Elle recadra la dimension actuelle de son retour au bercail parmi ceux qu’elle aime et l’ambitieuse passion musicale qui ne lui manquera pas au service des musiciens et de l’OSM.
Comme marque d’affection de très grande valeur culturelle internationale à consacrer, on ne saurait être en de meilleures mains: tous les musiciens de l’OSM, du jamais vu, l’ont applaudie, souriants, comme si des éclaircies permanentes annonçaient un nouvel essor à l’ensemble, semblable à ce soleil ultime s’élevant au-dessus du finale des Gurre-Lieder.
Une Première de saison quoique déjà jouée sous Dutoit (1986)
Le quatre-vingt-onzième concert d’ouverture de notre orchestre présentait donc les spectaculaires Gurre-Lieder d’Arnold Schoenberg, un programme repris le 13 septembre pour être rediffusé partout sur la Terre.
Projet coûteux, ambitieux, contenant des défis réels d’écoute pour les mélomanes et le jeune et nouveau public dans la mire de l’OSM. Les solistes, le choeur, le chef, l’orchestre augmenté de plus de quarante musiciens ont assuré cette réussite probante du 11 septembre 2024 et ce jour restera longtemps en mémoire et dans les annales de l’orchestre.
Solistes acclamés pour leur assurance et opulence vocale
Aux deux amorces des parties essentielles à la narration de l’histoire, la fermeté assurée de la belle diction française de Mani Soleymanlou est survenue pour nous camper poétiquement les scènes, personnages et affabulation. Enchâssés par le vernis sonore de tous les pupitres de l’orchestre tout autant le ténor Clay Hilley (Waldemar) que la soprano Dorothea Röschmann (Tove) ont irradié de la beauté vocale nuancée immanente à leur timbre.
Survint, en présence scénique bouleversante, la puissance d’émotion de la contralto Karen Cargill (Colombe) dont le célèbre talent était bien sûr au rendez-vous. Dans le rôle du paysan, le baryton Thomas E. Bauer baryton et celui du fou nommé Klaus celui-là incarné par le ténor Stephan Rügamer. L’orchestre leur a construit des forteresses de bouleversants moments culminants. Et il n’a fallu que le récitant Ben Heppner dans cet art parlé désigné en allemand par Sprechstimme, pour nous rappeler que nous assisterions à un irisant lever de soleil plus que lumineux, voire même aveuglant.
Les voix du Chœur de l’OSM brillèrent toutes augmentées de quatre vingtaines de choristes bénévoles (mais chevronnés). Andrew McGill a dû œuvrer beaucoup pour les coordonner de la sorte et, je parie, que le 13 septembre, en direct aux oreilles du monde entier, via Mezzo, ils seront encore meilleurs.
Un disque et des cloches authentiques pour le Berlioz prochain
Sur Pentatone, deux grandes oeuvres de Schoenberg s’ajoutent : Pelléas et Mélisande opus 5 et La Nuit transfigurée opus 4.
L’interprétation est excellente. Mes favoris demeureront tout de même pour Pelléas et Mélisande celle sur étiquette Supraphon (9111269-1031) puis la Verklärte Nacht offerte encore par le même chef soit Vaclav Neuman en son Orchestre Philharmonique tchèque et leur version dure 31 minutes 48 secondes versus les 29 minutes 15 de la révision de 1943 accessible maintenant sous la magie de Payare et de l’OSM.
L’administration nous a montré quatre des six cloches authentiques fondues ou moulées qu’ils utiliseront (chaque cloche de taille différente n’offre qu’une note précise) pour la Symphonie fantastique de Berlioz (plus Daniel Trifonov sera au piano dans le beau Concerto de Schumann).
Diffusion planétaire Mezzo des Gurre-Lieder
Après 10 années de partenariat avec l’OSM, Mezzo diffusera dès-à-présent et en octobre 2024, 10 concerts de l’OSM.
Le 13 septembre (ce vendredi!), en plus des cinq concerts programmés, ce seront ces puissants Gurre-Lieder de Schoenberg à ne pas manquer, en pleine date exacte de l’anniversaire du compositeur que nous y réentendrons avec fascination.
Orchestre symphonique de Montréal
Rafael Payare, chef d’orchestre
Clay Hilley, ténor (Waldemar)
Dorothea Röschmann, soprano (Tove)
Karen Cargill, alto (Colombe)
Thomas E. Bauer, baryton (paysan)
Stephan Rügamer, ténor (Klaus, le fou)
Ben Heppner, Sprechstimme (récitant)
Mani Soleymanlou, narrateur
Chœur de l’OSM
Andrew McGill, chef de chœur