Il y a, dans Lupe, ce film de secrète admiration pour la beauté athlétique des mâles très sportifs, une fenêtre s’ouvrant sur l’intériorité du sentiment amoureux. La sensibilité et la tendresse de l’attachement font reluire cette belle réalisation cinématographique.
Tant l’amour fraternel d’un jeune frère (Rafael) pour sa soeur (Isabelle) que l’amour protecteur pour cette autre fille Elsa) qu’il sauvera de la prostitution ou plutôt de ses proxénètes. Également, le respect de Lana qui est une authentique transgenre même si on doute beaucoup que Rafael veuille vraiment devenir lui aussi transgenre, mais bon…pourquoi pas, au fond ça semble vraiment le topo du film.
L’attachement humain prend donc la large part des efforts bouleversants de ce scénario bienvenu illustrant le combat amoureux du protagoniste coquet joué par Rafael Albarran. Dans ce film en langue anglaise et espagnole (USA, République dominicaine), c’est donc la beauté physique de chaque comédien qui séduit: celle d’Isabelle (Lucerys Medina), de Elsa (Christine Rosario Lawrence), de Lana (la transgenre Celia Harrison) et bien sûr de Rafael qui aime discrètement un boxeur noir (beau comme ils le sont quasiment tous!) hélas bien borné.
Peu d’activité érotique à l’écran, sinon quelques scènes des clients d’une grande soeur que le jeune frérot Rafael (futur Lupe) aura perçues à Cuba subrepticement durant son enfance et ressuscitées en flashback. Mais ce qui aura séduit d’abord notre oeil sensible à l’authentique recherche du bonheur chavirera bientôt notre coeur de spectateur à la vue de la métamorphose et des sentiments amoureux qui jailliront de toutes parts, au coeur du film, même en amitié, sans la moindre drogue ou dépendance, loin des mutilations aujourd’hui généralisées, rareté aussi des enveloppes cutanées entièrement tatouées.
Toute la lumière de l’éclaircissement est portée vers toutes ces préférences de transition ou de translation travestie d’un genre vers l’autre, toujours avec les soins de la beauté voire même de l’élégance. Ces moments cinématographiques nous conquièrent. C’est un film magnifique qui a passé entre les mailles de la critique et des distributeurs.
Il m’a tout de même fait me demander comment je faisais pour aller entendre ensuite, salle Bourgie, une splendide cantate de Jean-Sébastien Bach remplie de l’assurance de la foi en un destin surveillé par un Dieu omniscient tendant sa main généreuse au faible et à l’humilié. Comment, je pouvais sauter de ce film vers un Dieu omnipuissant sans lequel le Siècle des Lumières n’était plus certain de vouloir ou de pouvoir continuer d’exister (selon la faction révolutionnaire au sein de laquelle on se postait!).
Sans doute, bien des révolutions sexuelles plus tard, suis-je heureux de vivre ici en notre pays pour m’intéresser avec le moins de préjugés possibles (j’en ai encore, hélas, je me bats avec chacun d’eux, quand ils remontent parfois à la surface!) à tous les commentaires artistiques sur la recherche du bonheur humain et les manières légitimes ou acquises de pouvoir y parvenir. Ce film ne pourra que vous intéresser tous au plus haut point. N’empêche que, disons-le, devant le phénomène transgenre, chaque fois je me demande pourquoi je me sens si bien dans mon corps et pourquoi moi je ne veux pas en changer, même que je ne m’attriste que d’en perdre progressivement avec l’âge ma masculinité et l’aisance d’autrefois pour plaire et séduire!
Ce film Lupe aurait dû être distribué en salle il y a bien longtemps (2018) voire même dans les écoles afin que tous les ados le voient et en discutent, disons, entre une soirée rock, une compétition scolaire d’athlétisme et la découverte guidée d’une Cantate de Bach éclairée par la lecture…d’un livre! C’est un idéal féérique, Lupe, alias Rafael, vit à New York…