Dans la série « Les Femmes du Monde donnent de la voix », présentée par Nuits d’Afrique, la majestueuse Sona Jobarteh se produira le 8 mars au National. Qui de mieux pour célébrer la journée internationale des droits des femmes que la première femme joueuse de Kora, une tradition ancestrale remontant à plus de 7 siècles.
En effet, la Kora est un instrument emblématique des griots, gardiens de la tradition orale en Afrique de l’Ouest, transmettant leur savoir à travers chants, contes et poèmes. Bien que cette tradition soit généralement transmise de père en fils, cela n’a pas empêché l’artiste aux multiples talents d’apprendre auprès de son frère et son père à maîtriser cette harpe africaine à 21 cordes.
Descendante d’une lignée noble, son grand-père Amadu Bansang Jobarteh, véritable encyclopédie de la culture et de la musique gambienne, et son cousin, la légende Toumani Diabaté, ont tous deux marqué leur époque. Aujourd’hui, c’est au tour de Sona Jobarteh d’écrire l’histoire en devenant la première virtuose professionnelle de la Kora.
Si aujourd’hui elle dégage une assurance indéniable sur scène, cela n’a pas toujours été le cas, surtout lors de ses premières prestations, où elle avait peur d’être jugée et réduite à son apparence. Depuis, elle a su faire ses preuves, notamment avec son premier grand contrat pour composer la bande originale du documentaire Motherland Africa, qui a décroché plusieurs prix internationaux, suivi de la sortie de son premier album, Motherland – The Score, en 2011.
C’est ainsi que Sona a brisé les préjugés sur le rôle des femmes dans la culture griotte et a contribué à une révolution pour les droits des femmes en Afrique. Il a fallu attendre un peu plus d’une décennie pour la sortie de son deuxième album, Badinyaa Kumoo (qui signifie « parole d’unité »), mêlant les sonorités traditionnelles gambiennes au jazz, au blues et à la soul R&B. On y retrouve des collaborations avec des artistes renommés tels que Youssou N’Dour, Ballaké Sissoko et le saxophoniste Kirk Whalum.
L’album aborde le thème de la fraternité, un amour étroit entre frères et sœurs qui décrit en détail l’unité humaine. Fidèle à elle-même, Mme Sona met en valeur ses racines africaines en interprétant toutes les chansons en Mandinka. L’album connaît un grand succès avec plus de 6 millions d’écoutes sur Spotify et 23 millions de vues sur YouTube. En plus de son deuxième album, Sona a composé les chansons pour le nouveau film La Bête, sorti en 2022, mettant en vedette le célèbre acteur Idriss Elba.
Cette femme aux multiples talents est aussi engagée en dehors de la scène que sur scène. Militante pour le Panafricanisme, elle a fondé l’Académie Gambienne en 2015. Sa mission est de transformer le système éducatif, basé sur un programme postcolonial déconnecté de la réalité locale, en mettant en avant l’histoire, la culture et les traditions africaines. Cela rend cette académie unique en son genre, comme en témoigne déjà l’uniforme des étudiants en tissu africain.
Engagée dans cette cause, Sona Jobarteh trouve néanmoins le temps de promouvoir ses magnifiques mélodies à travers le monde, participant aux plus grands festivals tels que le Hollywood Bowl à Los Angeles, WOMAD en Australie, et bien sûr au Festival Nuits d’Afrique à Montréal l’été dernier. Si vous l’avez manquée, c’est l’occasion de vivre une soirée extraordinaire en sa compagnie ce vendredi 8 mars, à la salle le National, à partir de 20h30.