L’une des premières pièces de théâtre présentées devant public à Montréal en 2022 s’intitule L’âge du consentement. Le drame de la fillette de Granby morte pour cause de maltraitance, en 2019 et des témoignages d’ex-enfants de la DPJ ont habité le metteur en scène de ce spectacle Philippe Gauthier durant le processus de création. Après plus d’un an et demi de travail, son équipe est fébrile à l’idée de se produire devant public, même si les mesures sanitaires réduisent de moitié la jauge de la toute petite «salle intime» du Prospero.
Pour la première fois en français
L’âge du consentement repose sur deux monologues. D’une part, une fille-mère incite sa fillette de six ans à devenir une enfant-vedette. L’autre histoire est celle de Timmy, dix-huit ans, un tueur qui est sur le point d’être relâché d’un centre de détention pour mineurs. Ce dernier monologue s’inspire d’un véritable drame qui a coûté la vie à un enfant, en Angleterre, au début des années 1990.
The Age of consent de Peter Morris a d’ailleurs créé une grande polémique lors de sa création au Festival Fringe d’Édimbourg, en 2001. Divers intervenants avaient jugé inacceptable que le personnage de Timmy soit traité avec empathie alors qu’il est inspiré de l’un des deux jeunes de dix ans qui avaient enlevé et torturé le petit James Bulger, deux ans, retrouvé mort dans un quartier de Liverpool, en 1993.
La pièce a, par la suite, été traduite et présentée à Dublin, Rome, Berlin, Tokyo et Sydney. «C’est la première fois qu’on la traduit en français», souligne Gauthier qui a communiqué par écrit avec l’auteur américain principalement connu pour son travail au théâtre en Angleterre. «Peter Morris m’a dit avoir été intrigué par Damnée Manon sacrée Sandra de Michel Tremblay qu’il avait vue au Festival Fringe. L’idée de construire un texte à partir de deux monologues semble l’avoir influencé dans la création de L’âge du consentement.»
Le texte est traduit en québécois : «le plus parlé possible! Aussi, les deux monologues s’entrecoupent. Il y a des moments d’humour, même si les sujets sont dramatiques. Timmy a commis l’irréparable. Puis, Stéphanie, fille-mère, fait elle aussi subir des sévices à sa fillette. On découvre qu’elle est, en quelque sorte, une enfant qui élève une enfant et l’aveuglement de la mère a des conséquences néfastes pour la petite.»
Les deux histoires contribuent à montrer comment se développe la maltraitance, tout en indiquant quelles pourraient être des façons de sortir de ce cercle vicieux et dévastateur, ajoute le metteur en scène. Quant aux spectateurs, des miroirs leurs renvoient leur image; ils se voient donc en train d’assister passifs à l’évocation de ces drames où des enfants sont les victimes.
Tout pour le théâtre
L’âge du consentement devait initialement être présenté en septembre 2020. De report en report, sur fond de morosité liée à la pandémie, «ça devenait difficile de garder ce projet vivant. Nous avons répété durant des mois, sans savoir si nous allions pouvoir un jour présenter la pièce. Bien sûr, nous sommes heureux que le vent ait tourné juste à temps pour nous, mais nous allons devoir jouer devant un maximum de 23 spectateurs ! De plus, on s’attendait à disposer d’une semaine où on aurait pu ajouter des représentations supplémentaires, ce qui n’est plus possible, compte tenu des prochains spectacles à l’affiche au Prospero.»
Pourquoi limiter la jauge à 50% se demande l’artiste ? Et, surtout, pourquoi avoir fermé les théâtres ? «C’est un milieu où il n’y a pas eu d’éclosion ! Plus encore, nos élus disent s’inquiéter des problèmes de santé mentale. Sans jouer les psychologues, nous savons que le théâtre fait du bien aux gens. On aurait donc pu bénéficier de notre travail en laissant les théâtres ouverts durant la pandémie.»
Quoi qu’il en soit, «the show must go on», comme on dit au pays de Freddy Mercury et cette pièce venue du Royaume-Uni résonnera finalement en français. «J’ai dit à mes comédiens : vous n’avez pas le luxe de vous permettre d’être déprimés, parce que les gens qui vont venir vous voir, ils vont avoir besoin de votre lumière ! C’est un privilège de jouer ! On s’en tient à ça !
L’âge du consentement
Texte : Peter Morris / Traduction : Serge Mandeville
Mise en scène : Philippe Gauthier
Interprétation : Isabeau Blanche et Dominik Dagenais
À la salle intime du Prospero du 8 au 19 février 2022
*Première photo : Dominik Dagenais / Crédit : Vincent Morreale