Le Lac des cygnes, du Ballet national de Pologne, présentement à l’affiche à la Place des arts, est bel et bien dansé sur la célèbre musique de Tchaïkovski, mais le synopsis est différent. Ne vous attendez donc pas à y retrouver la légende allemande mettant en scène le prince Siegfried, amoureux d’Odette, condamnée par un sorcier à être cygne le jour et femme la nuit. L’analogie entre cette histoire et celle du tsarévitch Nicolas, fils du tsar russe Alexandre III, est apparue comme une évidence au chorégraphe Krzysztof Pastor qui a transposé l’intrigue à la Cour impériale russe à la fin du 19esiècle. Donc, place à l’histoire du jeune Nicolas, déchiré entre Alix de Hesse, son amour de jeunesse, et Mathilde Kschessinska, l’une des plus célèbres danseuses étoiles russes. Mais, cette transposition sert-elle le spectacle ? La féerie du Lac des cygnes est-elle intacte ?
D’entrée de jeu, le spectateur est en présence de personnages qui ont vraiment existé. Dès le prologue, Nicolas est captivé de voir et entendre la jeune Alix jouer au piano une mélodie de Tchaïkovski. Mais, le père s’oppose aux élans romantiques du prince héritier. Il en résulte un conflit familial plutôt terre à terre et bien loin de l’univers mystérieux de la princesse cygne et du méchant sorcier von Rothbart qui la captura et lui jeta un sort. Cet ancrage dans un épisode historique vous aidera-t-il à rêver mieux ? La réponse vous appartient.
Crédit photo: Ewa Krasucka
Rythme et précision
C’est au deuxième acte que le spectacle prend véritablement son envol. Pour distraire Nicolas et tenter de lui faire oublier le conflit avec son père, les gardes du tsarévitch organisent un divertissement, ce qui donne lieu à des danses folkloriques endiablées où les danseurs font preuve d’une remarquable précision. Cela dit, comment ne pas s’émerveiller devant les mouvements d’ensemble des danseuses vêtues de robes satinées auxquelles rêve Nicolas ?
Enfin, l’émotion est à son comble au troisième acte, alors que le jeune homme retrouve son père gravement malade et chancelant. Avant de mourir, dans un geste de réconciliation, le tsar redonne à Nicolas le cygne-jouet d’Alix qu’il avait confisqué à son fils alors qu’il était encore un enfant.
Décors
Les décors ne sont pas un point fort de ce Lac des cygnes. Alors que les ordinateurs permettent aujourd’hui d’animer les environnements visuels, on se contente ici de toiles peintes qui restent en place pendant des dizaines de minutes. Est-ce une question de goût ou de moyens ? On a opté pour le premier degré et oui, on danse devant un lac peint sur une toile.
Le noir et le blanc
Même si le programme spécifie que cette production comprend toujours les séquences de danse inoubliables de Lev Ivanov et Marius Petipa, il n’en reste pas moins qu’il n’y a pas véritablement d’opposition tranchée entre cygne blanc et cygne noir. En fait, dans la version du Ballet national de Pologne, le futur tsar aime deux femmes différentes, qui semblent représenter des mondes opposés soit l’enfance et le rêve, versus le réel et la sensualité.
Mais, trêve de comparaisons, ce spectacle vaut le détour et on ne saurait reprocher au chorégraphe d’avoir voulu renouveler ce ballet créé il y a plus d’un siècle.
Le Lac des cygnes
Ballet national de Pologne
Chorégraphie: Krysztof Pastor
Musique: Piotr Ilitch Tchaïkovski
Durée: 3 h incluant 2 entractes
À la Salle Wilfrid-Pelletier, jusqu’au 2 mars