Hier soir avait lieu la Première montréalaise de la nouvelle comédie musicale «Le Matou» devant une foule conquise, dont l’auteur Yves Beauchemin faisait partie dans les premières rangées. Cette oeuvre phare de la littérature et du cinéma québécois devient plus dynamique avec l’adaptation de Jessy Brouillard qui y ajoute 16 chansons originales, toutes de styles différents avec des paroles qui ont les accents d’ici. Les 13 interprètes sont excellents et plusieurs se démarquent.
En 1974, le couple Élise et Florent rêve d’acquérir un restaurant. Ils se font avoir par Ratablavasky qui leur vend un piège et l’aventure tourne au cauchemar. Ils finissent par se venger avec l’aide d’un cuisinier français (Picquot), d’un journaliste fouineur (Gladu), d’un gamin (Monsieur Émile) et de plusieurs autres qui se joignent à eux. Malgré une fin imprévue, la vie reprend en se terminant sur une note d’espoir.
Le succès du spectacle repose principalement sur la qualité des interprètes et la mise en scène efficace de Joël Legendre. Hier soir, plusieurs numéros ont été chaudement applaudis, particulièrement quand une chorégraphie les accompagnait, ou quand on s’émerveillait devant la pureté et l’innocence du petit Monsieur Émile avec son langage plutôt cru.
Matthieu Lévesque dans le rôle principal de Florent est solide. Sa voix chantée impressionne, particulièrement quand il monte dans les aigus avec beaucoup d’aisance et de puissance. Ses chansons «Lâcher prise» et «Lucifer» à la fin de l’acte 1 sont intenses, avec de beaux falsettos comme je n’ai pas entendu depuis longtemps.
Celle qui joue sa femme Élise, Audrey-Louise Beauséjour, est tout aussi excellente. D’une belle voix toujours juste et mélodique, elle chante avec un beau vibrato naturel. Très flexible, elle navigue entre une voix satinée toute douce et une voix d’une grande puissance. On la sent émotive dans son duo avec Florent «À temps plein», avec de belles harmonies entre les deux chanteurs.
Monsieur Émile est joué en alternance par Eliot Dupras et Diego Flint Djebari. Hier soir, Eliot Dupras a charmé par sa candeur et sa simplicité, déclenchant plusieurs éclats de rire à certains moment, surtout quand un sacre sort de la bouche de ce petit Monsieur Émile.
Marilou Morin (Loretta) m’a surpris en mère négligente de Monsieur Émile. Elle a beaucoup de caractère et elle chante d’une superbe voix puissante. La berceuse «Papillon» qu’elle chante à Monsieur Émile est un petit bijou, alternant entre la douceur et l’intensité d’une mère, faisant penser parfois à un classique de Disney. Elle fait mouche avec «Toutes dépenses payées» qui surprend non seulement pour sa voix mais aussi une chorégraphie avec des costumes à plumes.
Martin Larocque (Picquot) est magistral en cuisinier français toujours généreux envers ses bons amis. Son numéro «Les chaudrons de Cléopâtre» est un bon mélange des classiques de Disney «Be our guest» et du film «Ratatouille»: très réussi et applaudi chaudement! La chorégraphie avec des chaudrons est astucieuse.
Alain Dumas est méconnaissable dans le rôle du journaliste Gladu. Son allure et langage nous ramène bien dans les années 70. On adore détester les méchants Ratablavasky et Slipskin joués par Normand Carrière et Luis Oliva.
Celle qui se démarque des rôles de soutien est la merveilleuse Renée Wilkin qui s’est fait connaître par l’émission «La Voix 2» en étant la finaliste de Marc Dupré. Chacune de ses apparitions chantées se remarquent par sa voix puissante et juste.
Le problème du spectacle est que c’est inégal avec quelques superbes numéros musicaux et d’autres plutôt ordinaires qu’on oubliera rapidement. En plus des chansons notées dans les paragraphes précédents, il y a aussi le duo «Qu’une vie» de Florent et Élise qui est puissant et touchant, le genre de numéro qu’on aimerait revoir. La chanson «Juste assez» est spéciale par ses paroles ingénieuses sur l’argent et la réussite. À la fin, «Petit homme» est poignant et émotif.
Grâce à des mouvements simples mais efficaces, les chorégraphies de Maud Saint-Germain sont originales frôlant parfois avec le style Broadway, incluant même un petit numéro de claquettes.
J’ai bien aimé l’utilisation d’un langage approprié pour les années 70 du Plateau Mt-Royal pour nous ramener dans le temps. Les décors sont ingénieux pour se transformer en toute sortes de scènes, malgré que les changements entre chaque scène pouvaient parfois briser le rythme.
Je regrette qu’on utilise des trames musicales au lieu d’un orchestre, ce qui aurait pu ajouter une force et une énergie au spectacle.
«Le Matou» est une belle comédie musicale appréciée surtout pour ses interprètes et les sujets traités. On rit, on est triste, on passe par plusieurs émotions de l’histoire racontée par quelques bons numéros musicaux. Je recommande ce spectacle pour ce qu’il est, un bon divertissement sur une histoire d’ici.
Les bons coups: Interprètes, chorégraphies, mise en scène, décors
Les moins bons coups: trames musicales
Équipe de création
Adaptation de «Le Matou» de Yves Beauchemin (Éditions Québec Amérique)
Production: Entourage
Livre/paroles/musique: Jessy Brouillard
Mise en scène: Joël Legendre
Chorégraphies: Maud Saint-Germain
Direction vocale: Estelle Esse
Scénographie: Nicolas Ricard
Éclairages: Charles Morin
Costumes: Sylvain Genois
Accessoires: Madeleine Saint-Jacques
Perruques/Coiffures: Dennis Voltan, Audrey Toulouse
Maquillages: Audrey Toulouse
Arrangements: Antoine Gratton
Distribution
Matthieu Lévesque (Florent), Audrey-Louise Beauséjour (Élise), Eliot Dupras (Monsieur Émile en alternance), Diego Flint Djebari (Monsieur Émile en alternance), Marilou Morin (Loretta), Martin Larocque (Picquot), Alain Dumas (Gladu), Normand Carrière (Ratablavasky), Luis Oliva (Slipskin), Amélie B. Simard, Alexandre Bacon, Nicolas Drolet, Renee Wilkin, Lisa Palmieri.
Salle Pierre-Mercure (300 Boul. de Maisonneuve Est, Montréal)
Présenté en français du 29 octobre au 10 novembre 2024 à 20h ou 15h.
Billets en vente (69$-85$/33$ Étudiant) au https://lematou.ca/dates-de-spectacle/
À Québec en décembre 2024.
En tournée au Québec en 2025 (dont un retour à Montréal en mai 2025), voir dates sur https://lematou.ca/dates-de-spectacle/
Durée: 2h15 avec entracte
Web: https://lematou.ca/
Photos: Julien Faugere et Éric Myre