Véritable thriller psychologique, Le Noeud est un huis clos où une mère en colère tente de trouver des explications au suicide de son fils de 11 ans, qui venait d’être suspendu de son école, par son enseignante. Embarrassée, cette dernière, finira par dévoiler un document mettant en lumière le fossé qui sépare les deux femmes, sans condamner l’une ou l’autre. Édith Paquette reprend avec délicatesse le rôle qu’elle jouait dans cette production présentée à la Petite Licorne en 2022, alors que Sandra Dumaresq devient la maman tiraillée du jeune défunt. Cette intense joute verbale de la dramaturge américaine Johnna Adams bouscule bien des idées reçues sur les enfants, les parents, les enseignants et aussi sur le sens de la liberté d’expression.
Signal de détresse
Le face-à-face parfois cruel entre les deux femmes se déroule dans la classe de 5e année où étudiait le jeune Gregory. Quelle faute a-t-il bien pu commettre pour justifier qu’on le renvoie à la maison, clame la maman! Sandra Dumaresq nous tient d’ailleurs en haleine durant toute cette pièce d’une heure, en se glissant dans la peau de madame Flynn qui semble toujours sur le point d’éclater! Elle laissera d’ailleurs tomber les bonnes manières, dans un moment d’agressivité physique envers son interlocutrice dont les réponses ne la satisfont pas.
Quel est le noeud du problème? La mise en situation se fait (trop?) lentement, de sorte qu’on n’entre dans le vif du sujet que durant la deuxième demi-heure du spectacle. On apprend alors que, dans le cadre de ses activités scolaires, Gregory a écrit un texte d’une grande violence à l’endroit du personnel de son école. Le jeune auteur y lance aussi des accusations troublantes envers un camarade de classe.
L’enseignante lit en entier le long texte en question qui, selon elle, était déplacé et intolérable. Au contraire, la mère du garçon qui est professeure de littérature à l’université, est éblouie par le style d’écriture de son fils. Elle y perçoit des références à des écrits du Moyen Âge qu’elle a fait découvrir à l’enfant. Bref, ce que l’une voit comme de la dépravation est plutôt une manifestation de grand talent, aux yeux de l’autre. Quoi qu’il en soit, il est difficile d’imaginer qu’un élève de 5e année ait pu écrire une histoire aussi complexe, détaillée et scabreuse.
Les deux belligérantes restent sur leurs positions apparemment irréconciliables. Furieuse, Madame Flynn, admiratrice du Marquis de Sade, se demande comment ce célèbre homme de lettres, fasciné par la violence, aurait trouvé sa voie, s’il était tombé entre les mains d’une enseignante bornée comme celle de son fils.
Publié en 2012, Le noeud ausculte des enjeux très actuels. Peut-on vraiment tout dire sous couvert de l’art et de la littérature ? Où tracer la ligne entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas ? Quelle est la place des élèves plus marginaux dans les établissements scolaires ? Sans s’éparpiller, ce texte fait jaillir diverses gammes d’émotions, allant jusqu’au deuil animalier.
Dans une traduction efficace de Maryse Warda, cette pièce percutante au niveau des dialogues est plutôt pauvre visuellement. L’intensité des échanges entre les deux protagonistes ne se traduit pas en images bouleversantes, à la hauteur des émotions exprimées. La mise en scène souvent statique de Guillermina Kerwin se résume, essentiellement, à une rencontre orageuse, campée dans un décor scolaire plutôt prévisible.
Quant au thème, il n’est pas sans rappeler celui de Royan, la professeure de français que l’actrice Nicole Garcia est venue jouer au TNM, l’an dernier. Il s’agit toutefois de deux spectacles fort différents qui abordent, chacun à sa manière, le sujet vaste et troublant du suicide chez les jeunes.
En résumé, Le noeud est une pièce sombre mais remarquablement empreinte de nuances et portée avec aplomb par deux comédiennes convaincantes.
Le Noeud a été présenté à la Cinquième salle de la Place des Arts, le 26 mars et sera en tournée à travers le Québec, jusqu’en décembre 2024.
Pour voir toutes les dates de la tournée, c’est ici