Blake Pouliot, le jeune et humble violoniste torontois si prometteur a confirmé son talent. Le récital commémorant les 60 ans du Concours de musique du Canada, ce concours si important pour la promotion et la vigueur de la musique classique parmi la jeunesse québécoise et canadienne, l’a mis en évidence mercredi le 19 septembre malgré un déroulement de programme un peu discutable. Seulement deux oeuvres l’ont pertinemment mis en valeur. En effet, le talent extraordinaire du violoniste torontois Blake Pouliot déjà entendu sur disque (Analekta AN28798 voyez ma recension de ce disque sur lesartsze.com) dans un très beau programme Ravel (Tzigane puis seconde sonate) et Debussy (2e sonate) est incontestablement du niveau de celui des James Ehnes, une autre splendeur musicale dont on peut être fier.
Déjà jadis magistralement accompagné en studio via Analekta par Hsin-I-Huang, c’est cependant devant une salle Bourgie à moitié comble, remplie surtout des dignitaires de l’organisme Canimex qui fait tant de merveilles en matière de prêt d’instruments splendides auprès de nos orchestres et jeunes talents, qu’on l’a écouté aux côtés d’une autre pianiste accompagnatrice, Bernadene Blaha. La carrière de Blake Pouliot est vraiment en plein essor (il reviendra jouer le concerto de Sibelius avec l’OSM cet automne) et il a sans conteste rayonné de sa superbe palette sonore riche de nuances, d’expressivité et de couleurs surtout dans la magnifique Sonate pour violon et piano de Léo Janacek, oeuvre rarement entendue que la pianiste Bernadene Blaha a jouée de son mieux. À plusieurs moments, l’accompagnatrice a été mobilisée à la limite de ses capacités par diverses oeuvres au programme notamment dans la Tzigane de Ravel qui fut à peu près offerte à la limite du passable. Le Janacek fut donc le seul grand moment de la soirée où, hélas, Blake Pouliot a dû, par la suite, ne jouer presque plus qu’en demi génuflexion servile, flanqué par son comparse violoniste invité aussi par Canimex Martin Chalifour (cette inégalité de niveau de musicalité choque tout connaisseur ou tout mélomane le moindrement sensible à la vraie première grandeur et beauté sonore de l’art de l’interprétation).
Jouer les seconds violons accompagnateur quand on a un tel niveau technique et artistique ce n’est guère acceptable. Ainsi, on a entendu Pouliot dans des minuscules fragments d’oeuvres pour deux violons de Jean-Marie Leclair (1697-1764) ou telle autre oeuvre dite de Dimitri Chostakovitch qui donnaient continûment la ligne mélodique à Chalifour. Or, avec son Guarneri 1729, Pouliot devait bâillonner son cantabile remarquable que les vrais mélomanes recherchaient avec discernement. Puisque, en duo de violoniste, les oeuvres donnaient à entendre l’autre violoniste invité (Martin Chalifour) on a dû s’en contenter poliment. Je ne doute pas que Chalifour brilla probablement jadis de plus de justesse sonore, de plus de netteté d’articulation et peut-être même d’une véritable expression touchante engageant coeur et corps, soit le signe de la plus authentique musicalité. Elle n’était présente, au naturel, mercredi soir, que chez seulement Blake Pouliot.
Par surcroît, en terme de talent musical, toute la jeunesse actuelle des violonistes virtuoses, dans tous les concours internationaux de musique, où qu’on aille, même dans les grandes facultés de musique, démontre et révèle en chacun(e) une bien meilleure maîtrise donc une bien plus nette et exacte interprétation de la Tzigane de Ravel (c’est de Blake Pouliot qu’on aurait dû entendre l’oeuvre rayonner puisqu’il l’a si finement endisquée). La Tzigane offerte par Chalifour, bousculée et écorchée, s’est conclue dans des mesures finales boiteuses et sans cohésion confinant presque au désastre. Martin Chalifour demeure un brave musicien d’orchestre (violon solo du Los Angeles Philharmonic nous disent les notes de programme) dans la ville de Los Angeles où il est également instituteur à l’Université, soit la même institution que celle (UCLA) où semble évoluer l’accompagnatrice Blaha.
Photo Credit: Jeff Fasano Photography
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