La reconstitution de l’opéra Motezuma de Vivaldi par le compositeur montréalais Matthias Maute est une réussite éclatante ! Les nouvelles pages écrites pour remplacer les parties perdues de l’oeuvre se marient harmonieusement à ce qu’on a retrouvé de la partition originale. Après une représentation à la Salle Bourgie, l’Ensemble Caprice part en tournée aux États-Unis avec ce Motezuma colossal !
Vivaldi recomposé
Sept ans après avoir présenté une première version de son Motezuma, à Montréal, Matthias Maute revenait à la charge, ce soir, avec une proposition considérablement enrichie. Alors que son concert de 2013 avait souffert de la réverbération du théâtre St-James, dans le Vieux-Montréal, ce problème a, bien sûr, disparu à la Salle Bourgie. Plus encore, la collaboration du chef d’orchestre avec la Bach Society of Minnesota et Early Music Seattle lui a permis de rassembler des interprètes de haut niveau. Et puis, l’une des trouvailles de Maute est d’avoir remplacé les récitatifs par des textes souvent mordants, portés par un excellent comédien.
Une histoire bien racontée
Motezuma (orthographe originale du livret datant de 1733 de Luigi Giusti) raconte la terrible histoire du dernier empereur du Mexique, aux prises avec le conquistador espagnol Fernando Cortés. Le malheureux aztèque passera tout près de voir sa fille assassinée. Il devra finalement se résigner à la laisser épouser Ramiro, frère de Cortés.
Ces péripéties sont racontées sur des musiques flamboyantes où surgissent fréquemment les trompettes et les cors. Comme il est difficile de déterminer la configuration d’origine de l’orchestre, Maute s’est inspiré des méthodes de composition de l’époque. Le musicien a aussi dû composer de nouveaux arias, car on n’en n’a retrouvé que 12, alors qu’il y en avait 22 selon le livret originel.
Vocalement, on fait place à de la haute voltige ! On sait qu’à l’époque où Vivaldi a composé Motezuma (1733), le public allait à l’opéra, entre autres, pour les prouesses vocales des castrats. On a d’ailleurs confié le rôle du général espagnol Ramiro à la soprano américaine Nelle June Anderson. Mis à part le ténor, Nicholas Chalmers qui semble plutôt détaché de son rôle de Fernando, toute la distribution se montre très investie dans ce projet. On a aussi choisi plusieurs chanteurs d’origine mexicaine, dont les excellentes Lisa Rodriguez (Teutile) et Nayelli Acevedo (Asprano).
Quant au rôle-titre, il est incarné, d’une part, par le baryton mexicain Marduk Salan qui théâtralise avec justesse son personnage. Puis, il y a Motezuma le narrateur, porté par le brillant portoricain Pedro Juan Fonseca.
Le comédien nous situe régulièrement sur la progression de l’histoire avec un humour corrosif. Il nous confiera, entre autres, sa rage de devoir céder les ondes à son ennemi juré Fernando qui, en plus, va chanter un aria héroïque (L’aquila generosa). Il nous raconte aussi avec consternation qu’un oracle aztèque affirme que la fille de Motezuma (Teutile) devra être sacrifiée pour rétablir la paix. Puis, pince-sans-rire, il ajoute : vous avez de la chance, vous, au XXIe siècle de ne pas croire aux prophéties de fin du monde !
Tournée américaine
Espérons que ce Motezuma, en partie montréalais, reviendra sur nos scènes, après la tournée américaine qu’il entreprend dès samedi prochain. Souhaitons également que cette oeuvre en reconstruite, grâce au travail colossal de Matthias Maute, soit gravée sur disque.
Motezuma
Opéra de Vivaldi en version concert avec déplacements scéniques
L’Ensemble Caprice en collaboration avec la Bach Society Minnesota et Early Music Seattle
Solistes:
Marduk Salam, dans le rôle titre, ainsi que Lisa Rodriguez, Nerea Berraondo, Nayelli Acevedo, Nelle June Anderson, Nicholas Chalmers, et l’acteur Pedro Juan Fonseca.
Salle Bourgie
4 février 2020
Crédit photo Marc-Yvan Coulombe
À gauche : Nicholas Chalmers (conquistador espagnol Fernando Cortés)
L’avant dernier à droite : Marduk Salam (Motezuma) et l’acteur Pedro Juan Fonseca (narrateur)