Avant de vous parler du très intéressant compositeur Charles Roy Dubuc, révélation du concert du 28 juillet à la Maison Symphonique, je dois dire que tout ce qui célèbre ou sustente le développement de l’art vocal, en ce moment même à Montréal, sans omettre les concerts du Festival de Lanaudière qui en rajoute, tout cela nous plonge dans un feu d’artifice vocal refusant toute accalmie.
L’institut canadien de l’Art vocal (ICAV)
Stradivaria avec Alexandre da Costa présentait deux gagnants de La Voix à l’Église Saint-Viateur d’Outremont entre les Quatre Saisons de Vivaldi et encore en rappel. Quelques jours plus tôt, les stages de perfectionnement de l’Institut canadien de l’art vocal (ICAV) affichait, pour ses connaisseurs invités, une vingtaine d’extraits d’opéras où s’exerçaient 24 solistes déjà diplômés de partout dans le monde, de sorte que son Gala fut un succès dans une salle insoupçonnée à l’acoustique excellente (Salle Richmond dans la Petite Bourgogne).
Neuvième Symphonie de Beethoven
Dimanche 28 juillet, la très célèbre et dite joyeuse Neuvième symphonie (elle naquit du projet de deux symphonies) de Beethoven présentait quatre solistes de l’ICAV entourés de 52 voix de femmes et de 27 voix d’hommes au sein du Choeur dirigé et préparé par l’organiste Martin Boucher pour le dernier mouvement de l’oeuvre.
Intégrale des Symphonies salle Pierre Péladeau
Tout ça se déroulait dans le cadre de l’intégrale des symphonies du compositeur allemand (1770-1827), donnée durant la semaine précédente Salle Péladeau par cet ensemble passablement académique appelé Orchestre de la Francophonie. On y dénombre, cette année, 26 musiciens dits Canadiens, 9 Américains, 6 Français, 3 Mexicains, un respectivement de Suisse, de Hongrie, d’Italie et de Colombie choisis pour se perfectionner selon la vocation de l’ensemble.
Une prestation honorable
Dans l’ensemble, la prestation avec au bâton le chef québécois, en grande ascension, Simon Rivard, fut du niveau de celles, très correctes, disons, selon les cohortes annuelles, des concerts de l’Orchestre du Conservatoire de Montréal, des prestations de l’Orchestre de la Faculté de musique de l’Université de Montréal ou de celles de la Faculté de McGill, mais de moindre niveau que ces concerts de l’Orchestre des Jeunes du Québec auxquels j’ai assisté, au fil des décennies, lorsque l’homme cultivé et élégant du nom de Louis Lavigueur, les dirigeait.
L’impact de la pandémie se fait toujours sentir chez la relève
Tant de choses ont changé ou été impactées par la pandémie qu’on ne reconnaît plus parfois les ensembles pour ce qu’ils furent ni la relève pour ce qu’elle donnait à espérer. Je songe à la liste des musiciens de l’Intégrale Beethoven de 2009-2010 (Analekta, 5 disques sous Jean-Philippe Tremblay) et celle de leur concert final de 2019 où nous avions eu droit à la sixième symphonie de Bruckner.
Pour une Neuvième, on reste loin des somptuosités des Violons du Roy et de l’intégrale des symphonies qu’en donnèrent encore tout récemment l’Orchestre symphonique de Montréal et qu’en donneront, très bientôt, cet automne, l’Orchestre métropolitain.
Une mission difficile en si peu de temps
Absorbés par leur partition, les très jeunes musiciens de l’Orchestre de la francophonie, tous pupitres confondus, ne regardaient pas suffisamment le chef donc ils eurent du mal à suivre la battue. Il faut dire que tous les mouvements de la huitième symphonie (sauf le troisième mouvement de celle-ci où le quatuor à cordes pouvait enfin respirer un peu plus, d’une aisance favorisant l’expressivité au comble de la sensibilité) et même ceux de la neuvième furent pris bien trop vite pour la cohésion de l’ensemble vu le peu de temps, forcément, imparti aux répétitions de chacune des symphonies.
Nuances, acoustique, lutherie sophistiquée
Par surcroît, relativisons encore pour mieux apprécier: les instruments de ces tout jeunes musiciens ne sont pas ceux, fort somptueux, offerts par Canimex à nos deux grands ensembles de référence et à leurs solistes. Cela dit, c’était une représentation honorable (parmi 5 programmes retenus durant la même semaine avec des oeuvres différentes et des primeurs!) où le soprano (Amelia Wawrzon Australie-Pologne) la mezzo (Isabella Cuminato, USA), la basse (Matt Mueller, USA) et le ténor montréalais Sébastien Comtois firent de leur mieux, dimanche. Pour ce qui est des indications au programme, on eût bien fait de donner le nom des premiers violon solo et associé, de même à l’alto, violoncelle, flûte, hautbois, basson etc… car les solos et dialogues entre ceux-ci mériteraient qu’on puisse les distinguer et les souligner ici.
Un compositeur de talent: le jeune Charles Roy Dubuc
Tout au fil du programme, soulignons la qualité d’écoute et d’anticipation du public présent à la Maison Symphonique de Montréal. Tout le monde savait qu’il y avait quatre mouvements à chacune des symphonies de Beethoven: les pauses entre les mouvements restaient sans applaudissements. Mais, dès le tout début du concert, le public sut attendre, apparemment aussi, 4 Fragments distincts. L’écriture musicale de Fragments respirait l’intelligence des instruments chargés de la mélodie, les vents au premier chef et ce tissage resplendissant avec le quatuor à cordes.
Une belle écriture musicale
Dès le premier Fragment, on était sous le charme d’un concepteur sonore éloquent descendant de rien de moins que de l’esprit d’Auguste Descarries (1896-1958) si méconnu. De beaux élans mélodiques, mais brefs, rien de cinématographique pour autant. Le second fragment me fit songer à l’ambiance du Jardin du sommeil d’amour (Turangalîla) de Messiaen pour l’atmosphère qu’il offrait. Le troisième fragment honorait encore ce délicat et somptueux dialogue des instruments à vent avec le quatuor à cordes de l’orchestre.
Au dernier fragment ou mouvement de Fragments (je n’ai évidemment ni la partition et n’ai bénéficié que d’une écoute) les contrastes entre la percussion et les bois donnaient une gravité semblable à celle du troisième mouvement du Concerto pour violon, quatuor à cordes et piano de Ernest Amédée Chausson opus 21 mais en très bref.
L’expérience d’ensemble fut un peu comme Dutoit nous faisait voyager, tel un jour qu’on découvrit Jacques Ibert (Escales, Bacchanales, OSM, Étiquette Decca). « Études de styles, idées courtes et passagères » affirme le jeune compositeur. Je ne saurais répéter cela, car les mots sont toujours impuissants à exprimer l’essence véritable de la musique.
P.S. J’en rajoute encore un peu côté voix, car si vous suiviez le Festival d’art vocal de Montréal, ils seront à Verdun ce mercredi 31 juillet avec quatre des solistes parmi les 24 de cette année au sein de l’Institut canadien de l’art vocal (ICAV) selon le programme donné par la Ville de Verdun.