Il y a de l’amour dans l’air par les temps qui courent au Théâtre du Rideau Vert. Le dramaturge et comédien québécois Gabriel Sabourin fait revivre, à sa façon, l’auteur de Cyrano de Bergerac. C’est ainsi que Edmond Rostand lui-même se retrouve dans un triangle amoureux où il écrit des lettres enflammées pour aider un bellâtre sans éloquence à conquérir une jeune femme. Olivier Morin incarne Rostand qui devient en quelque sorte le Cyrano de cette comédie en trompe-l’oeil.
Avec ses élégants alexandrins, Sabourin nous entraîne à la fin du XIXe siècle, environ un an avant la création de Cyrano de Bergerac. L’auteur québécois dit avoir appris, au cours de ses recherches, qu’Edmond Rostand avait été surnommé ironiquement «pif luisant», au cours de sa jeunesse, ce qui expliquerait peut-être en partie son intérêt pour Savinien de Cyrano, dit de Bergerac, un écrivain français du XVIIe siècle.
Chose certaine, le Rostand de Sabourin est affublé d’un long nez à l’instar de Cyrano et, comme dans la célèbre pièce française, il écrit des vers à une jeune femme (Élodie Grenier), personnage semblable à Roxane, courtisée par Christian (Jean-François Pronovost). Ces deux comédiens sont convaincants mais, leurs rôles sont plutôt minces. Le pilier du spectacle, c’est Olivier Morin, à la fois drôle et émouvant en homme mal-aimé, malgré sa bienveillance et sa formidable maîtrise de la langue française! Du début à la fin du spectacle d’environ 90 minutes, le comédien se distingue en sachant doser les paradoxes de son personnage rêveur et insécure.
Pour sa part, Roger La Rue brille dans chacune de ses apparitions, dans le rôle du père d’Edmond qui en a assez des prétentions littéraires de son fils. Marie-Hélène Thibault et Gabriel Sabourin incarnent les domestiques des Rostand. Ils forment un couple plutôt terne où la jalousie de monsieur est tristement caricaturale!
La mise en scène dynamique de Stéphane Brulotte était déjà bien rodée, lors de la première de jeudi soir. Bravo également à Loïc Lacroix Hoy dont le magnifique décor, avec grand escalier, évoque la cossue maison de campagne des Rostand.
Bien écrit, ce spectacle bien interprété, dans l’ensemble, rejoindra sans doute un large public. Pour ma part, cette thématique de l’homme qui doit à tout prix plaire à la femme m’a parue passéiste. Plus encore, Marie-Anne va jusqu’à gifler le pauvre Christian, quand il n’arrive pas à trouver les mots qu’elle voudrait qu’il lui dise! Imaginez un instant que ce soit lui qui la gifle! On crierait assurément au scandale, surtout à notre époque où un simple regard peut être considéré comme une agression! Pareille scène me semble plus que jamais déplorable!
Cela dit, Pif-Luisant a le mérite de raviver notre mémoire, en attirant l’attention sur l’auteur d’une des pièces les plus connues du théâtre français. Sabourin qui avait fait un exercice comparable avec Le prince des jouisseurs, consacré au maître du vaudeville Georges Feydeau, il y a une dizaine d’années, est loin d’avoir perdu la main. En effet, quel talent il faut pour faire ainsi parler Rostand, tout en demeurant dans le ton du mythique Cyrano! Chapeau!
Pif-Luisant
Texte: Gabriel Sabourin
Mise en scène: Stéphane Brulotte
Avec: Olivier Morin, Jean-François Pronovost, Élodie Grenier, Roger La Rue, Marie-Hélène Thibault et Gabriel Sabourin.
Au Théâtre du Rideau Vert, jusqu’au 15 avril
*Photos fournies par le Théâtre du Rideau Vert