Québécois d’origine, le violoncelliste de réputation internationale Jean-Guihen Queyras s’offre deux concerts à la salle Bourgie. Pour marquer ses retrouvailles avec sa ville natale, le musicien a invité le violoncelliste Stéphane Tétreault avec qui il va jouer des oeuvres pour deux violoncelles rarement entendues en concert. Entrevue avec un globe-trotter qui a quitté le Québec alors qu’il était encore enfant, pour aller vivre en Algérie puis en France, avant de s’installer en Allemagne.
De Sherbrooke à Fribourg
Né à Montréal, le petit Jean-Guihen a grandi à Sherbrooke, où il va d’ailleurs revoir son «père biologique», au cours de son présent séjour au Québec. «En fait, j’ai deux papas, puisque j’ai aussi un père adoptif. Disons que les tribulations familiales m’ont amené à émigrer en Algérie à l’âge de cinq ans, puis en France quand j’ai eu huit ans. Comme si c’était dans mon ADN de m’expatrier, je vis maintenant en Allemagne, où j’ai rencontré celle qui allait devenir ma conjointe.»
Queyras est professeur à la Musikhochschule de Fribourg-en-Brisgau, une ville allemande située à proximité des frontières de la France, où il est codirecteur des Rencontres musicales de Haute-Provence, à Forcalquier. Le musicien a aussi été longtemps violoncelliste soliste de l’Ensemble intercontemporain alors dirigé par Pierre Boulez, figure majeure de la musique contemporaine. «Cet artiste m’a appris le sens de l’éthique dans le travail, c’est-à-dire que l’interprète doit d’abord être au service de la musique, avant de chercher à se mettre en valeur. Donner le meilleur de soi-même, c’est ce que Pierre attendait de ses musiciens et on peut dire qu’il prêchait par l’exemple!»
Retour aux sources
Jean-Guihen Queyras se souvient bien de la première fois qu’il est revenu à Montréal, vers l’âge de 20 ans. «C’était en décembre; il devait faire moins 20 et à ma sortie du bus, j’avais été frappé de voir à quel point les gens semblaient à l’aise malgré ce temps si froid. Il y a aussi cet accent unique montréalais que j’ai perdu. Au niveau émotionnel, ça remue beaucoup de choses de revenir à Montréal, aujourd’hui encore !»
Même si on l’a invité pour un concert de violoncelle seul, «j’ai dit à Isolde (Lagacé, directrice artistique de la salle Bourgie), j’aimerais bien ne pas être tout le temps seul sur scène et je trouve que la présence de Stéphane Tétreault, à mes côtés, pourrait incarner mes retrouvailles avec les Montréalais. Et bien, nous avons de la chance. Il sera là!»
De Bach à Offenbach
Les deux musiciens qui ont participé à une tournée internationale de l’Orchestre métropolitain dirigé par Yannick Nézet-Séguin, en 2017, abordent un tout autre répertoire cette fois-ci. Ils vont jouer, entre autres, le duo pour deux violoncelles en si bémol majeur, op. 53 nº 1 de Jacques Offenbach. «Ce compositeurs a écrit de nombreux duos pour violoncelles, dont les degrés de difficulté technique varient du tout simple au très complexe. Nous en avons choisi une qui est à un niveau juste au-dessous des plus complexes. Il y a de la virtuosité, mais on va aussi pouvoir s’amuser !»
L’une des pièces les mieux connues du programme est sans doute : la Suite no 1 en sol majeur pour violoncelle seul, BWV 1007 de Bach. «Mon interprétation de cette oeuvre s’est transformée au contact des danseurs de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker qui a composé un numéro de danse pour chacune des suites. Dans ce spectacle où je jouais l’oeuvre en direct, je devais être en échange constant avec les danseurs; je devais être dans le moment présent. Je crois que ça a changé ma perception de cette musique toujours bien vivante ! Je la fais parler comme elle m’inspire au moment où je la joue.»
Enfin, Queyras est fier de faire découvrir aux mélomanes une oeuvre d’un des principaux compositeurs turcs du XXe siècle : Ahmet Adnan Saygun. «Partout où je joue sa Partita pour violoncelle seul, op. 31, c’est de cette pièce que les gens me parlent. Ils veulent en savoir plus sur ce compositeur qui a su intégrer le folklore turc à son oeuvre aussi teintée d’influences françaises. Yo-Yo Ma en a enregistré une partie, mais à part cela, cette musique n’a pas encore vraiment franchi les frontières de la Turquie. C’est un voyage musical en soi !»
Jean-Guihen Queyras, violoncelle / Invité : Stéphane Tétreault, violoncelle
Salle Bourgie : 25 et 26 octobre à 19h 30
Programme
Britten : Suite no 1 en sol majeur pour violoncelle, op. 72
Ahmet Adnan Saygun : Partita pour violoncelle seul, op. 31
J. S. Bach : Suite no 1 en sol majeur pour violoncelle seul, BWV 1007
J. Barrière : Sonate à deux violoncelles en sol majeur, op. 4 nº 4
J. Offenbach : Duo pour deux violoncelles en si bémol majeur, op. 53 nº 1