Patrick Senécal, écrivain prolifique de roman d’horreur et de thriller, sort de sa zone de confort pour offrir à son lectorat un tout nouveau roman Résonances, aux éditions Alire, qui met de l’avant le processus de création et les doutes d’un écrivain. Moins dans l’horreur, mais un thriller tout autant, ce roman tient en halène le lecteur du début à la fin, semant le doute, l’angoisse, l’exaspération et l’admiration pour ce défi que l’auteur s’est lancé et a relevé avec brio.
Résumé : Pour certaines personnes, passer une IRM s’avère une expérience angoissante. C’est ce que découvre Théodore Moisan, un écrivain de cinquante et un ans au succès modeste, pour qui ce simple examen médical se transforme, à son grand étonnement, en une épreuve terrifiante. Heureusement, le tout ne dure qu’une quarantaine de minutes et il se dit que cela n’a été qu’un mauvais moment à passer. Or, à la suite de l’examen, Théodore oublie certains trucs, comme son dîner avec sa fille Camille, ou le lancement littéraire de sa collègue Gerda, et même des événements de son passé… Et quelque chose cloche autour de lui : les gens agissent bizarrement, il assiste à une agression violente dans la ruelle si tranquille de son quartier, il croise un policier qui semble douter de son témoignage, sa femme elle-même, Julia, lui paraît différente, détachée… L’examen médical de Théodore a peut-être causé ses pertes de mémoire, mais comment peut-il avoir un impact sur les gens autour de lui ? D’ailleurs, est-ce les gens qui ont changé… ou lui-même ? Que s’est-il donc passé durant cet IRM ?
Je ne suis pas une grande amatrice des romans d’horreur, mais j’ai quand même lu certains livres de Patrick Senécal et vu les films qui en ont été inspirés, car j’ai toujours eu une grande admiration pour sa plume intelligente, fluide, imagée et capable de générer facilement des ambiances angoissantes et des émotions extrêmes. Ce n’est jamais de tout repos les romans de cet écrivain. Ma collection préférée de romans de Patrick Senécal est en fait la série Malphas, pour laquelle il s’était lancé une forme de défi d’humour trash, noir, mêlé à un thriller captivant. Alors, en sachant que l’auteur s’était à nouveau lancé un défi de sortir de sa zone de confort et changer de recette, j’ai tout de suite eu envie de lire Résonances.
Assurez-vous d’avoir plusieurs heures de libre devant vous avant d’entreprendre cette lecture, car il sera très difficile de mettre ce livre de côté, une fois entré dans les premières pages. Il m’a suffi d’à peine plus qu’une journée pour lire ce roman, et mon cerveau n’a cessé de penser à cette histoire, lorsque je mettais le livre de côté un moment. Je devais le terminer rapidement. À tout moment, on pense que c’est un thriller ? Mais non, on est dans la science-fiction ? Oups, on bifurque dans l’horreur ? Non, c’est du fantastique ? De la métafiction ? Bref, on se questionne constamment, comme le personnage principal de l’histoire Théodore Moisan. Tout comme lui, on subit les événements bizarres, récurrents, violents, extrêmes qui s’enchainent, sans pouvoir en changer le dénouement. Mais le lecteur est plus intelligent que le personnage principal. Il comprend plus vite que lui ce qui se passe et cela nous permet de voir entre les lignes tout le processus de création et les doutes de l’écrivain face à son histoire et ses personnages. L’écrivain possède un grand don pour l’humour noir et avec Résonances, il prend le pari de se mettre dans la peau d’un auteur qui prétend que ses personnages vivent par eux-mêmes et décident à sa place de l’histoire qui sera racontée, même si cette idée a toujours fait sourire Patrick qui se dit en plein contrôle de ce qu’il écrit.
Ainsi, dans ce roman, on fait une incursion dans le monde de la littérature, et il n’hésite pas à y saupoudrer de l’humour noir sur le milieu littéraire. Il fait également beaucoup de références à plusieurs films de David Lynch, John Carpenter, Calvino et même le jour de la marmotte avec Bill Murry.
Le roman met également de l’avant ce que l’on vit de plus en plus depuis la pandémie, le dérapage des gens, qui vont au bout de leurs pulsions de plus en plus. Les groupes extrémistes qui se déchainent. Dans ce roman, on y parle entre autres du mouvement des wokes et aussi des vieux mononcles qui sont aussi extrêmes, à l’opposé des wokes. L’un n’est pas mieux que l’autre et c’est un peu ce que ce roman dénonce, le manque de nuance et le fait de ne plus avoir de respect pour rien ni personne. On laisse parler nos pulsions plutôt que notre gros bon sens. Et cela en est bien épeurant.
J’aime aussi la façon qu’on nous fait avancer dans le temps, avec une page d’ellipse, un raccourci pour représenter le personnage qui a dormi huit heures, sans rêver, sans rien d’intéressant à raconter. C’est ingénieux et rigolo.
Grâce à la plume exceptionnelle de Patrick Senécal, qui a su créer les ambiances appropriées, j’ai pu me mettre facilement dans la peau du personnage principal et passer par une belle gamme d’émotions fortes. Avec Théodore, je me suis cassé la tête à d’abord essayer de comprendre ce qui arrivait. Sa mémoire qui lui fait défaut à tout moment, le temps qui passe trop vite parfois, la violence qui éclate partout autour de lui, ses proches qui n’agissent pas de manière plausible, réaliste. Les mêmes événements qui se reproduisent, comme dans le jour de la marmotte. D’où cela vient-il ? Et comment l’arrêter ? Est-ce une mise en scène ? Une manipulation ? Un monde parallèle ? La folie ? La maladie ? On s’enfonce avec Moisan et on ressent l’angoisse, l’exaspération, le désespoir, l’impuissance, le doute. L’auteur nous amène dans un labyrinthe d’hypothèses, puis peu à peu nous donne les clés, les indices, pour découvrir ce qui se cache derrière tout ça.
Patrick Senécal a relevé son défi avec brio. Son style est toujours reconnaissable, le thriller est bien présent et il sait surprendre ses fidèles lecteurs tout en sortant des sentiers battus pour notre plus grand plaisir.
Patrick Senécal est né à Drummondville en 1967. Bachelier en études françaises de l’Université de Montréal, il a enseigné pendant plusieurs années la littérature et le cinéma au cégep de Drummondville. Passionné par toutes les formes artistiques mettant en œuvre le suspense, le fantastique et la terreur, il publie en 1994 un premier roman d’horreur, 5150, rue des Ormes, où tension et émotions fortes sont à l’honneur. Son troisième roman, Sur le seuil, un suspense fantastique publié en 1998, a été acclamé de façon unanime par la critique. Après Aliss (2000), une relecture extrêmement originale et grinçante du chef-d’œuvre de Lewis Carroll, Les Sept Jours du talion (2002), Oniria (2004), Le Vide (2007) et Hell.com (2009) ont conquis le grand public dès leur sortie des presses. Le mythique roman Aliss a été adapté en bande dessinée en 2020 et Sur le seuil et 5150, rue des Ormes ont été portés au grand écran par Éric Tessier (2003 et 2009), et c’est Podz qui a réalisé Les Sept Jours du talion (2010). Trois autres adaptations sont présentement en développement tant au Québec qu’à l’étranger. Patrick Senécal est un véritable phénomène de l’édition au Québec, avec plus d’un million et demi de livres vendus. Désormais publié en France et au Canada anglais, il est aussi traduit en espagnol, en allemand, en turc, en italien, en ukrainien et en polonais. Contrairement à plusieurs écrivains à succès, Patrick Senécal refuse le concept de « recette » et tente de se renouveler à chaque nouvelle œuvre en se lançant des défis d’écriture toujours plus exigeants, pour le plus grand bonheur de ses lecteurs.
Date de parution :22 septembre 2022
Catégorie : Fantastique
Nombre de pages : 340 pages
Prix : 32,95 $
Édition Alire : https://www.alire.com/