À l’époque où vécut le talentueux Franz Schubert (1797-1828), tous ses jeunes amis chanteurs, comédiens, poètes enthousiastes se réunissaient autour du piano où était assis le jeune compositeur pour chanter ensemble et rêvasser des soirées entières! C’était donc, chaque fois, une attendrissante Schubertiade et c’est cette atmosphère qui nous a séduits pendant deux belles heures, mercredi soir, 25 septembre, à la Salle Bourgie.
Une initiative d’intégrale finement planifiée
Avec l’ambition manifeste de ressusciter ces fêtes musicales et de présenter 600 des lieders du compositeur au cours des cinq prochaines saisons musicales, la fascinante direction de la Salle Bourgie ambitionne de bercer le public de cette essentielle rêverie vocale selon plusieurs formats.
L’Orchestre de l’Agora au premier rendez-vous
L’Orchestre de l’Agora fut donc convié à ce premier rendez-vous sous la baguette du talentueux et vibrant Nicolas Ellis que je n’avais pas revu depuis 2020. Le voilà d’habiles gestes et de pleine maturité artistique s’exprimant éloquemment en début de concert en nous parlant de ce Rêve: Schubert l’aurait décrit, jadis, à son grand frère, dans une lettre fort intime. Cette anecdote tissa ainsi les enchaînements du programme où les plus beaux mouvements schubertiens des symphonies 2, 5 et 8 s’immiscèrent entre 9 lieders.
L’Orchestre se substitue au piano
La juste, puissante et solide voix de la mezzo-soprano Ema Nikolovska bénéficia donc d’un somptueux accompagnement à l’orchestre. Du point de vue de la genèse, c’est une belle innovation, je dirais même d’avant-garde. Cet embellissement des lieders écrits pour voir jadis le piano s’y adjoindre, rehaussa toute la soirée: à partir de l’orchestration riche d’Hector Berlioz (ce génie tellement sous-estimé) et puis celles ultérieurement réussies par Max Reger, Anton Webern, le chef Nicolas Ellis lui-même, un certain Félix Motti, on présentait cette fois comme exclusivités les quatre nouvelles orchestrations réalisées par le jeune Ian Cusson, présent parmi l’auditoire, chaleureusement applaudi du public en fin de concert. Un récitant, s’était voulu une incarnation de la voix de Schubert (via Émile Proulx-Cloutier): il décrivait ponctuellement le contenu du Rêve de Schubert mis ainsi en lumière.
Des notes de programme d’une stupéfiante qualité
Au-delà de l’excellence incontestable de tous les musiciens de l’orchestre de chambre de l’Agora en ses pupitres et solistes en dialogue symphonique, au-delà des talents d’incarnation vocale de la Macédonienne Ema Nikolovska au fil des thèmes de chacun des neuf lieders de cette amorce d’intégrale, parlons ici des artisans du programme écrit.
J’ai rarement eu le plaisir de lire une telle exactitude synthétique, un tel tableau exaltant sans emphase la valeur des œuvres au programme. Je parle des circonstances biographiques du compositeur à l’honneur, du goût exquis de la finesse des notes de programme. Ce respect textuel du public curieux et intéressé cherchant à nommer judicieusement les sources de son plaisir d’écouter et d’entendre, en nuances, toutes les oeuvres, cette adroite présentation reviendra couronner de succès la fréquentation des récitals offerts à l’avenir. On y trouve un condensé idéal de centaines d’heures de lecture qu’un mélomane volontaire puisse faire au fil de maintes décennies de passion musicale.
Prochain récital le 4 octobre
Le directeur artistique de la Salle Bourgie a indiqué au public rassemblé que la première saison offrira une fournée de 99 lieders de Schubert, tous sous différentes conceptions et voix. Le prochain récital aura lieu le 4 octobre prochain et présentera la soprano Rachel Fenlon s’accompagnant de manière autonome au piano mais ajoutant chronologiquement maints lieders d’autres compositeurs incluant Benjamin Britten.
Ce fut une excellente idée de commencer cette relative intégrale promise (certains musicologues parlent de 708 lieders de Schubert au total) par un accompagnement d’orchestre comme on les trouve historiquement en vogue dès Hector Berlioz, Johannes Brahms jusqu’au zénith de cette splendeur à l’époque du prolifique Richard Strauss (mort le 8 septembre 1949, soit il y a 75 ans).
Crédit photo / photo credit : Frédéric Faddoul
Les concerts de la Salle Bourgie