Le tour de chant des grands succès d’Édith Piaf que l’on présentait avec l’OSM dirigé par le chef associé attitré Simon Leclerc était absolument complet si l’on considère le format d’une soirée avec entracte. Toutes les chansons majeures y figuraient (sauf T’es beau tu sais, C’est à Hambourg, J’tai dans la peau, Mon manège à moi, Les trois cloches, Plus bleu que tes yeux…).
Les paroles essentiellement d’amour et de mélodies aux situations cocasses (l’Homme à moto) sont à jamais associées à la voix puissante et absolument juste de Piaf jamais hors de contrôle, un exploit de haute performance que seule Betty Bonifassi était chaque fois à même de répliquer avec conviction (les vivats de la foule en fin de concert-récital l’ont radicalement distinguée).
Une autre voix d’homme, soit celle du ténor Gaétan Sauvageau (si je ne m’abuse… vu qu’ils ne nous ont pas été présentés formellement, mais la tessiture correspond à la sienne) répondait à ces exigences de justesse et de beauté percutantes au sein du Quatuor vocal d’accompagnement Quartom. Yann Perreau a fort bien fait selon ses capacités vocales, je parle dans l’ensemble et surtout il a chanté un très beau duo de succès soit À quoi ça sert l’amour avec l’incomparable Bonifassi.
Le toujours beau Pierre Flynn a une très belle voix assez solide malgré qu’il ait tenté de rendre justice à l’Hymne à l’amour avec la douleur de chanceler en tonalité… Combien c’est cruel que ces cordes vocales sensibles au moindre vent ou à la moindre tension. Martha Wainwright a offert une seule chanson soit sa version de La vie en rose avec passablement de conviction pour émouvoir avec contentement le public. Pour sa large part, Sylvie Moreau (L’Homme à moto s’est avéré un défi) a fait elle aussi de son mieux avec une belle rectitude, mais sans moment de grand éclat inoubliable.
La mise en scène du topos de la môme Piaf avec des gens constamment tous tassés dans un coin de supposé bistrot typique du quartier de la Goutte d’Or ou de Montmartre aurait certainement bénéficié d’une inventivité plus expansive à l’échelle de toute la scène car l’orchestre n’était qu’au quart avec une foule de surnuméraires – ce qui en dit long sur le manque de curiosité musicale des titulaires face à un fleuron plus que valable de la chanson française. Piaf c’est la Callas du répertoire mondial de la chanson si on a la moindre oreille pour la beauté de langue française et la poésie amoureuse en plus que les airs sont riches et beaux. Mais le plus désolant après une soirée vraiment fort agréable (faute d’avoir laissé toutes les chansons à Bonifassi), ce fut la chanson de la fin Je ne regrette rien avec Marie-Thérèse Fortin qui n’a pas le coffre suffisant pour assurer une telle sortie de spectacle et pour interpréter en résignation philosophique résolue ce summum d’une vie.
Fortin a laissé le public sur des notes finales largement fausses ce que Florence K avait également éprouvé, car cette dernière effectuait ses sauts d’intervalles avec un manque de justesse dans l’attaque de la note sinon une forme de glissando d’approche qui ne correspond pas au modèle impeccable d’attaque et d’assurance vocale de l’originale disparue. Au terme de l’exercice de souvenance, chacun se remémore avec volupté indescriptible l’irremplaçable voix de Piaf car ne chante pas Piaf qui veut.
L’évocation de cette môme Piaf comme première avant-garde Beatnik était aussi un peu tirée par les cheveux, quoique, dans l’ensemble, il s’agissait d’un beau spectacle agréable que l’acoustique impeccable de la fine Maison Symphonique rend périlleux puisque toute faiblesse vocale ou expressive même minime se voit majorée et mise cruellement en évidence. L’orchestre était somptueux, comme toujours.
VIVE LA MÔME ! PIAF SYMPHONIQUE
Maison symphonique de Montréal
Vendredi 26 avril – 20h