Neuf cents jeunes étudiants du secondaire étaient présents au concert Les mystérieuses Variations Enigma d’Elgar, jeudi matin 10 octobre 2024 à la Maison Symphonique sans doute heureux d’entendre la violoniste Marianne Dugal leur adresser chaleureusement la bienvenue et surtout leur recommander de revenir souvent découvrir le vaste répertoire de l’inépuisable grande musique orchestrale tous pays et compositeurs confondus!
Une pédagogie du décorum musical
L’orchestre disposant de près de vingt types d’instruments soit à cordes soit à vent dont les bois et les cuivres, le pupitre de la percussion, les harpes et célestas, etc. les élèves ont pu apercevoir le tout premier violon de l’OSM, Andrew Wan, s’amener et arriver sur scène pour donner le « la » du diapason au quatuor à cordes.
Une fois tout l’ensemble accordé à ce « la » surgiront des coulisses sous les applaudissements croissants, tout d’abord la soliste invitée du nom de Karen Gomyo et le chef invité, John Storgårds détenant, lui, un poste au fameux Orchestre de la BBC au Royaume-Uni.
La soliste traverse en tenue de robe noire scintillante les rangs de l’orchestre et elle sert respectueusement la main des deux premiers violons solos soit messieurs Wan et Oliver Thouin son immédiat soliste associé (l’oratrice de circonstance Marianne Dugal incarne la troisième soliste privilégiée de la partie du quatuor appelée les premiers violons). Cette poignée de main symbolise la concorde du travail collectif ou d’équipe qu’exige la musique concertante.
Salutations et montée au pupitre du chef
Une fois les salutations révérencieuses au public tant du chef que de tout l’orchestre se levant debout, la soliste se retourne discrètement avec délicatesse vers les spectateurs assis derrière l’OSM, à l’hémicycle du chœur afin de ne pas systématiquement leur tourner le dos.
Grand silence dans l’enceinte symphonique: le jeune public perçoit, depuis le début, la partition posée devant le chef invité qui tourne les premières pages, car on ne dirige pas toujours de mémoire les œuvres au programme. Seuls les très grands chefs dirigent les œuvres par cœur, car ces rares géants ont acquis une connaissance parfaite de toute la musique et de toutes les parties concertantes ou symphoniques de telle ou telle composition au programme. Cette occurrence de mémoire phénoménale est de plus en plus rare à l’époque contemporaine.
Le concerto pour violon et orchestre de Dvorák (1883)
L’œuvre est vraiment splendide mais difficile à apprécier à la première écoute. Le compositeur a pris quatre années à l’achever, jadis, sous les exigeants conseils du plus grand violoniste de son époque… un certain Joseph Joachim, un grand ami du sublime compositeur allemand Johannes Brahms.
On joue rarement ce concerto de Dvorák ni même en concours internationaux. Néanmoins il est magnifique et les élèves n’applaudiront pas entre les mouvements tout simplement parce que le premier et le second mouvements sont très exceptionnellement liés, quoique encore je note, avec fascination, que les élèves se retiennent aussi d’applaudir entre la vraie pause séparant les deuxième et troisième mouvements.
Les élèves ont donc été manifestement préparés par leur professeur à cette visite mémorable. Au terme de l’excellente prestation de la violoniste et des solistes de chaque pupitre que le chef distingue un à un, en leur demandant de se lever pour être vus et félicités par le public, les applaudissements fusent, généreux, sincères. On écoute ces salves d’applaudissements le cœur serein.
Le musicothécaire surgit avec les nouvelles partitions
Comme le concert est sans entracte, le musicothécaire apparaît sur scène, une fois la soliste et le chef retournés en coulisses, avec les nouvelles partitions pour l’interlude musical du compositeur Frédérick Delius (1862-1934). Il reprend du lutrin la partition du Concerto de Antonin Dvorak (1841-1904) qu’on vient d’interpréter, il dépose la nouvelle.
L’interlude musical de Delius permet d’écouter attentivement l’hautboïste solo de l’OSM Alex Liedtke (et aussi son superbe associé l’hautboïste Vincent Boilard si brillants tous deux au dernier concert offrant la radieuse Symphonie fantastique de Berlioz). L’extrait symphonique de Delius permet aussi d’illustrer les dialogues entre les pupitres et parties de l’orchestre. Le public estudiantil ne dort nullement: il ne s’impatiente pas et il écoute de son mieux, rare attention de cette génération assaillie de bien de dommageables engins électroniques depuis l’enfance.
Mélodieuse œuvre finale : les Variations Enigma d’Elgar
Tout comme les sublimes orchestrations géniales de Maurice Ravel des Tableaux d’une Exposition de Modeste Mussorgsky ou celles de ses propres œuvres telles Ma Mère L’Oye, Le Tombeau de Couperin ou les suites du ballet Daphnis et Chlöé, les très belles Variations Enigma de Edward Elgar (1857-1934) offrent cette pédagogie d’écoute distinctive émerveillée où toutes les sublimes voix des instruments de l’OSM se font entendre dans toutes leurs textures et tessitures.
Les élèves reconnaîtront une seule des quatorze variations et exploseront alors d’une jubilante acclamation qui fera sourire les musiciens conscients, sur scène, depuis le début de la matinée, de l’entreprise pédagogique du programme. L’occasion a servi l’enseignement que ces jeunes tirent de l’expérience privilégiée de découvrir, si jeunes encore, la splendeur d’avoir un si bel orchestre dans notre si belle ville encore paisible, non bombardée et remplie d’Humanité voire même de principes de coexistence respectueuse de la civilisation.
Artistes
Orchestre symphonique de Montréal
John Storgårds, chef d’orchestre
Karen Gomyo, violon
Œuvres
Antonín Dvořák, Concerto pour violon en la mineur, op. 53 (32 min)
Entracte (20 min)*
Frederick Delius, A Village Romeo and Juliet : « The Walk to the Paradise Garden » (8 min)
Edward Elgar, Variations Enigma, op. 36 (29 min)
https://www.osm.ca/fr/concert/les-mysterieuses-variations-enigma-delgar/